C'est un Ahmed Ouyahia sûr de lui qui s'est présenté, jeudi, devant les députés pour répondre à leurs interrogations et tenter de les convaincre du bien-fondé des options du gouvernement après quatre jours de débat autour du programme du plan d'action du gouvernement. Un programme adopté à l'unanimité. Durant trois heures, le Premier ministre a établi une sorte de bilan de ce qui a été fait et de ce qui reste à faire pour sortir le pays de l'ornière. Il a également passé en revue les points positifs et négatifs qui, au plan de la gestion, ont caractérisé les dix dernières années. A l'occasion, le Premier ministre s'est attardé sur les principaux risques auxquels fait face l'Algérie. M.Ouyahia a, dans ce contexte, souligné que « le danger n'est pas la réduction des prix du brut mais plutôt l'épuisement du pétrole ». Une situation à laquelle, a-t-il dit, l'Algérie n'est pas du tout préparée. Le Premier ministre est longuement revenu sur le poids de la corruption qui gangrène notre pays, le dossier de l'adhésion de l'Algérie à l'OMC et la question de l'assainissement de l'économie. Question qui bute encore, selon lui, sur des résistances multiples, en témoignent les oppositions qui se sont faites entendre lors de la cession aux Emiratis des ports d'Alger et de Jijel. Au titre des perspectives, Ahmed Ouyahia a fait part de l'élaboration d'un autre programme de développement quinquennal devant bénéficier d'une enveloppe estimée entre 100 et 150 milliards de dollars. Paraphrasant le président Bouteflika et tout en appelant les Algériens à retrousser leurs manches et à se mettre au travail, il a plaidé pour la construction d'une économie solide et la libération de l'Algérie de l'emprise des recettes des hydrocarbures. L'orateur s'est montré persuadé qu'en 2030, quelle que soit la situation, la production pétrolière nationale connaîtra un recul considérable. Ce faisant, il a indiqué qu'il était primordial pour l'Algérie de penser à s'y préparer. « Incontestablement, la crise actuelle des prix du pétrole nous a conduits à réfléchir aux moyens de faire en sorte que l'Algérie ne soit plus l'otage d'une économie basée exclusivement sur les hydrocarbures, ce qui requiert un consensus national de tous les acteurs de la société », a-t-il expliqué. A ce titre, M. Ouyahia a trouvé inapproprié et dangereux le fait que les importations algériennes soient en augmentation constante (35 milliards de dollars en 2008). Pour le Premier ministre, le déficit enregistré au plan des exportations hors hydrocarbures est dû essentiellement à la mauvaise qualité des produits algériens qui sont incapables de concurrencer les produits étrangers sur les marchés internationaux, bien que les conditions pour améliorer la qualité de la production nationale existent. Le Premier ministre, à titre d'exemple, a indiqué que le secteur agricole a bénéficié d'un budget de 257 milliards de dinars en 2008 (environ 2,7 milliards d'euros) et bénéficiera encore d'un budget de 306 milliards de dinars en 2009 (3,2 milliards d'euros). « L'Algérie est en mesure de réduire de 65% sa dépendance alimentaire durant les cinq prochaines années », a-t-il dit. Aux députés qui ont dénoncé l'instauration d'une taxe pour les véhicules neufs, Ouyahia expliqué que l'Algérie ne pouvait se permettre de dépenser tous les ans l'équivalent de 2,7 milliards de dollars rien que pour l'achat d'automobiles alors que ce ne sont pas les priorités qui manquent. Surtout, a-t-il dit, en ces temps de crise. Sur un autre registre, M. Ouyahia a minimisé l'impact de la baisse de la valeur du dollar sur l'économie nationale, estimant qu'il s'agit d'un « paramètre très secondaire » qui n'influera pas sur les projets futurs du pays. Le prix du baril de pétrole, selon les prévisions de Ouyahia, pourrait remonter à 60 ou 70 dollars d'ici mars 2009 si les pays membres de l'OPEP respectent leur engagement de baisser leur production. L'Algérie n'est pas un poulet à plumer Au titre des maux qui rongent le pays, comme la corruption, Ahmed Ouyahia a relevé que « la fraude fait plus de mal au pays que le démantèlement tarifaire ». Et d'ajouter : « Le populisme fait aussi mal. Depuis les années 1990, nous ne faisons que dans le rattrapage du pouvoir d'achat. il est temps de mettre fin à cette situation. » En réponse à ceux qui ont critiqué la politique du gouvernement en matière de placement des réserves de changes, le responsable du gouvernement a rétorqué que celles placées aux Etats-Unis étaient en sécurité. Et de préciser que ce sont près de 62% des réserves de changes du pays qui ont été déposées aux Etats-Unis. « Je vous rassure, l'Algérie ne s'aventure pas à jouer au poker », a notamment déclaré Ouyahia. il a précisé que les réserves de changes de l'Algérie ont atteint 138 milliards de dollars à la fin novembre 2008 contre 135 milliards de dollars à fin octobre 2008. M. Ouyahia a, dans ce sillage, réitéré la prudence permanente adoptée par la Banque d'Algérie en matière de placement des réserves de changes. Une option qui fait qu'elle choisit la sécurité en lieu et place d'une forte rentabilité. Abordant la question des opérateurs nationaux, le Premier ministre a salué le travail de certains d'entre eux, mais n'a pas non plus ménagé ceux qui rechignent à « mouiller le maillot ». « Certains passent leur temps à se plaindre. L'Etat est présent s'ils ont besoin d'une aide publique ou de facilités. Il est vrai que la bureaucratie est une réalité, toutefois ces opérateurs sont appelés à mouiller davantage le maillot et à faire plus d'efforts pour s'imposer sur les marchés national et international » a-t-il martelé. Et d'ajouter que l'on ne peut pas permettre en permanence de déplumer l'Algérie. « L'Algérie n'est pas un poulet », a lancé M. Ouyahia à l'adresse des entreprises étrangères qui aspirent à décrocher des marchés en Algérie sans contrepartie.