Ce n'est pas un hasard si des amis de Kateb disaient de lui: «Il était le rocher, auquel nous nous sommes agrippés». Encore une fois, Kateb Yacine vient à notre secours, encore une fois Yacine nous sauve; imaginons en effet, la troisième édition du cinéma amazigh à Oran cette année sans le film documentaire réalisé par Stéphane Gatti en hommage au poète, intitulé d'ailleurs et à juste titre «Le poètes à trois voix». En une heure et de façon forte et concise, Kateb Yacine nous emmène dans notre univers, dans notre pays et nous aide ainsi à croire et à espérer et ce n'est pas un hasard si des amis disaient de lui dernièrement: «Il était le rocher auquel nous nous sommes agrippés». Stéphane Gatti, fils de l'immense Armand Gatti, ami de toujours de Yacine, a assisté, des années durant, à de longues et interminables discussions entre son père et le poète; petit à petit, il se rendait compte que des choses importantes se disaient chez lui et un jour, il décida de filmer et d'archiver tout ce matériel; il se disait naïvement que toutes ces prophéties ne doivent pas se perdre. Un jour aussi, il se jeta à l'eau et décida de monter ce film lui-même. Le miracle eut lieu et le «film document» qui ouvrira aujourd'hui le «festival» du film amazigh en est la preuve et nous sommes certains que les spectateurs qui assisteront à cette projection en seront éblouis. Le festival sera alors sauvé et alors encore une fois et c'est pour la troisième fois, nous pouvons diffuser et rediffuser Machaho, La montage de Baya et La colline oubliée. Et pourtant, à l'occasion de la clôture de la première édition en 1998, de nombreux projets ont été présentés et tous, naïvement croyions-nous alors, qu'ils verraient le jour pour la deuxième édition et bien sûr, ils n'existent même pas pour la troisième édition. Question angoissante et insupportable: existeront-ils pour la quatrième ou la cinquième édition? Cette réflexion, cette préoccupation plutôt, peut-être étendue à toute notre cinématographie. Nous attendons, en effet, depuis quelques années, l'arrivée de quelques films, une dizaine qui malgré le montage financier réalisé, n'arrivent pas à démarrer. Pourquoi? Le cinéma comme tout autre pratique artistique n'existe qu'en se réalisant. Et malheureusement pour nous, ces films n'existant pas, les salles rénovées n'ouvrant pas, les quelques distributeurs abandonnant la partie, nous devons dire cette vérité amère que notre cinéma se meurt ou, plus grave encore, notre cinéma n'arrive pas à renaître. Encore une fois, pourquoi? C'est vrai qu'à Oran nous féliciterons quelques jeunes cinéastes et découvrirons leurs oeuvres ou plutôt leurs travaux vidéo réalisés par des équipes réduites (deux à trois personnes) et presque pas de financement. «C'est toujours ça», et nous nous dirons à Oran qu'il faut espérer, qu'il faut savoir attendre que notre pays sorte d'une crise terrible et par conséquent notre cinéma aussi. Aujourd'hui, et à la veille d'une rentrée culturelle sans culture, tant il faut rappeler et souligner que toute culture ne se manifeste qu'avec des produits culturels: livres, films, pièces de théâtre, tableaux, compositions musicales, etc. Il y a lieu de crier et de dire: basta! Encore une fois, Yacine nous assène cette vérité terrifiante: «Lorsqu'on perd son pays de vue, on le perd de plus en plus et on se sent perdu». En la circonstance, le cinéma étant notre pays et comme nous ne voulons pas le perdre, il nous faut donc appeler au secours: - que les films montés financièrement voient le jour. - que le matériel existant dans notre pays qui bloque ces productions soit libéré. - que les salles de cinéma rénovées ouvrent leurs portes et accueillent le public impatient. - qu'il soit apporté aide et soutien aux jeunes distributeurs afin qu'ils ne disparaissent point. - que la critique renaisse, que les ciné-clubs fleurissent. - que les réalisateurs, les artistes, les techniciens, les professionnels de la cinématographie fassent leur métier et reprennent goût à la vie. - que le cinéma enfin, cet art populaire, authentique, ce gisement d'emplois reprennent place dans notre pays car nous ne voulons pas le perdre ni nous perdre.