Que ce soit à Makouda, Fréha ou Tigzirt, les citoyens estiment que la liste des documents à fournir est bien longue. Un document en cache un autre. Un labyrinthe inextricable. Et la bureaucratie de l'état civil n'est pas pour faciliter les choses. Ce fait est d'autant plus reconnu par les agents des mairies qui ne se donnent plus la peine de présenter des arguments. «J'admets que c'est vraiment très contraignant de faire autant de documents surtout pour un travailleur», reconnaît un employé de l'état civil dans une commune de la wilaya de Tizi Ouzou. En effet, arrivé au guichet, le requérant se voit remettre un petit papier où sont mentionnés plus d'une dizaine de documents administratifs nécessaires pour l'établissement d'un passeport et d'une carte d'identité biométriques. «Ce qu'il y a dans ce bout de papier, c'est déjà beaucoup. Alors imaginer le nombre de documents nécessaires pour se voir délivrer ces documents», se demandait un autre jeune visiblement trop pressé de récupérer son passeport. Cette quantité de papiers requise pour un dossier complet se trouve alourdie par un autre problème que sont les lenteurs bureaucratiques qui caractérisent l'état civil algérien. Bureaucratie ou la course contre la montre En fait, toutes les conditions nécessaires pour rendre ces démarches infernales sont réunies. «Tous ces allers-retours dans les sièges des mairies nécessitent des mois de congé, mais quelle entreprise accepterait de voir son employé vaquer à ses affaires et abandonner son poste?» s'interrogeait un citoyen, la quarantaine, à la mairie de Makouda. En effet, avec les horaires en vigueur dans les services de l'état civil, les travailleurs ne peuvent guère se faire délivrer ces documents sans s'absenter. «Je pense qu'il est temps de penser à ouvrir ces services les week-ends», suggère un autre citoyen à Tigzirt. «Exactement, quand est-ce que je vais travailler, quand est-ce que je vais faire mes papiers?», renchérit un autre. D'autres citoyens rencontrés sur les lieux s'interrogeaient sur les précédentes promesses d'alléger les contraintes bureaucratiques. «On nous a pourtant promis d'informatiser les services de l'état civil. Mais, je n'ai pas encore vu un ordinateur au guichet. Et, pourtant un ordinateur, ça ne coûte pas cher. Alors qu'est-ce qui empêche cette modernisation?», s'interroge un autre, ironique. Trouvant l'ironie et l'humour comme panacée, un vieux remercie les responsables pour le renforcement en chaises. «A la place des ordinateurs, on vous ramène des chaises. Cela signifie qu'il y aura beaucoup plus de bureaucratie. Les chaises servent à attendre plus longtemps», ironise un vieil homme. En effet, la longue liste de documents à fournir entraîne, au fil des jours, une autre liste de papiers nécessaires pour les établir. «Vous savez combien de papiers sont nécessaires pour un certificat de nationalité? Cinq en plus de la vignette.» Ces propos d'un citoyen traduisent le labyrinthe qu'il faut emprunter pour terminer la procédure et avoir un dossier complet. Un document peut en cacher un autre «A la fin du parcours on constate que l'on a réuni une trentaine de documents, l'extrait d'acte de naissance du père à établir dans une daïra, celui du grand-père dans une autre, la vignette à trouver, quelque part, le patron nous attend», s'exclame un homme à la cinquantaine. «Je crois qu'on veut nous faire douter de notre nationalité. Pourquoi on me la demande à chaque fois? Et la carte d'identité algérienne, comment je l'ai acquise alors, s'il reste un doute sur mon algérianité?», poursuit-il. Finalement, les conséquences des découpages administratifs précédents sont apparues comme des obstacles bureaucratiques en plus. Certains citoyens de la daïra de Fréha doivent se rendre à Tigzirt pour l'établissement des documents de naissance de leurs grands-parents. Pour ces mêmes pièces, d'autres ont même été orientés vers le juge. Au final, les gens ne craignent plus la liste des documents qu'on leur remet mais plutôt ceux qu'elle peut cacher. Au sujet des formulaires, les citoyens rencontrés ne manifestent, par contre, plus de réticences mais plutôt des interrogations. «Je ne vois vraiment plus à quoi ça sert. Personne ne veut nous donner des explications. Même la presse ne fait que poser les mêmes questions que nous. Alors je m'en moque. L'essentiel est d'avoir mon passeport. On ne sait jamais, une occasion de partir ne se rate pas aussi bêtement.» Ce sont les propos d'un jeune universitaire.