Décédé il y a quatre ans, un homme a été convoqué à comparaître devant la justice en 2009. La convocation ne précise pas cependant de quelle justice il s'agit, divine ou humaine? Le phénomène est récurrent au sein de nos administrations. Des bourdes sont souvent commises dans la transcription des documents officiels. Pour des raisons parfois injustifiées, des erreurs fréquentes sont commises par les agents des structures administratives, notamment à l'état civil. On trouve des noms ou prénoms déformés, des dates de naissance erronées, une confusion de sexe et parfois même des personnes vivantes portées décédées ou bien le contraire: des personnes décédées convoquées pour comparaître devant un tribunal. C'est le cas d'un habitant de la commune de H'raoua à l'est de la capitale, qui révèle avoir reçu une convocation pour se rendre à la justice. Au fait, la convocation était destinée à son défunt père, décédé depuis quatre ans, à comparaître devant la justice. Pour l'anecdote, la convocation ne précise pas de quelle justice il s'agit: divine ou humaine? Des erreurs qu'on peut qualifier d'inadmissibles et absurdes. Mais cette fois-ci, l'administration ne ressuscite pas les morts, mais elle pousse les vivants vers la mort, c'est le cas de le dire. Citons un cas grave: une bavure monumentale a été commise dans la transcription du groupe sanguin, d'une personne sur son permis de conduire. Exacerbée et déconcertée, cette personne sous le couvert de l'anonymat, dénonce l'incompétence des agents de la daïra de Hussein Dey: «Lorsque j'ai retiré mon nouveau permis de conduire, j'ai constaté une grave erreur. Sur le document, je suis mentionné d'un groupe sanguin "O positif", alors que je suis du "B négatif." Une erreur qui pourrait avoir une conséquence mortelle, dans une situation donnée». Ainsi, des erreurs itératives dans des documents officiels sont quotidiennement constatées. Il y a de quoi s'arracher les cheveux. Nora, jeune fille, vient de recevoir un ordre d'appel pour rejoindre les rangs de l'Armée nationale populaire. Il ne s'agit pas d'une blague de fin d'année, mais d'un fait réel. «J'ai reçu un ordre d'appel pour rejoindre les rangs de l'armée, alors que je suis une fille.» raconte Nora, cadre dans une société de communication. Les agents chargés de la transcription sur les registres de l'état civil, avaient inscrit Nora, de sexe masculin. Nora a dû faire une longue et pénible démarche afin de justifier une évidence. De nombreuses erreurs de transcription dans des documents officiels sont commises au niveau des APC et d'une manière sempiternelle. En outre, l'état civil des communes réserve parfois des surprises insoupçonnable. Furibonde et hors d'elle, Leila, laisse exploser sa rage: «Après une longue attente, une erreur a été commise dans mon acte de mariage. Le prénom de ma mère a été déformé», s'emporte cette enseignante à l'Institut des sciences politiques d'Alger. «J'ai demandé la rectification, hélas, l'erreur se répète.» ayant soulevé le problème auprès d'un responsable, ce dernier lui rétorque «la faute se trouve au niveau du registre, et que la correction nécessite le recours auprès du tribunal.» La jeune femme déplore ainsi la bourde contenue dans son acte de mariage au niveau de l'APC de Sidi M'hamed. A partir de là, une longue procédure administrative et juridique, digne d'un parcours du combattant, s'ensuit. L'erreur de transcription dans les documents officiels d'état civil est devenue un phénomène administratif récurrent, souvent sur les extraits de naissance, de décès et dans les actes de mariage. De fréquentes erreurs sont ainsi constatées, allant même jusqu'à l'omission de transcription sur le registre de l'état civil. Salima Lakehal, mère au foyer, n'échappe pas à la règle. Elle raconte, agacée: «A chaque fois, je constate une erreur dans ma date de naissance, ce que je trouve aberrant. Se tromper alors dans la transcription d'un document est un acte anodin.» Ces erreurs itératives engendrent un véritable calvaire au citoyen. «Je suis consterné, en marge de l'extrait de naissance de ma fille, il n'était pas mentionné mariée. En plus de cette erreur, l'accueil des agents de l'APC était outrageant à mon égard», soutient Habchi, père de famille, scandalisé, car il y a eu une omission de transcription du nouveau statut social de sa fille en tant que femme mariée, il y a dix ans! Ajoutons à cela, un autre aspect, celui des employés incorrects et qui ne mesurent pas la conséquence de leur inadvertance. Pour le cas de M.Habchi, il a fallu une demande d'audience afin d'apporter la rectification à cette négligence, ce qui relève même d'un manque de conscience professionnelle de la part des employés des mairies. Néanmoins, cette faute soulève un point crucial, celui de l'absence d'un service de contrôle et de supervision des agents de l'état civil. Quant à la réception réservée aux citoyens, c'est une autre paire de manches. Saïd, retraité et ancien cadre d'une administration, a suggéré: «Il faut que les élus de l'Etat élaborent une stratégie à même de permettre de colmater les défaillances au niveau de ces structures administratives.» Un autre témoin expose son cas. Rabah, père de famille, sexagénaire, scandalisé après une attente trop longue aux guichets pour se faire délivrer l'acte de décès de son père, découvre que le nom de ce dernier a été remplacé par celui de son fils. Une situation «préoccupante». Les «désagréments» sont énormes et inqualifiables. Malgré les doléances des citoyens auprès des responsables concernés, les erreurs continuent de se répéter. Des déboires qu'affronte au quotidien le citoyen, impuissant face à cette bureaucratie. Par conséquent, de nombreuses affaires atterrissent dans les tribunaux pour une faute d'«inattention» alors qu'une simple «correction» aurait suffit. Ces «erreurs» administratives causent d'énormes préjudices aussi bien aux citoyen qu'aux procureurs. Bounab Saïda, présidente d'APC de la commune de Kouba, reconnaît que le problème est réel: «Cet état de fait est dû au manque de qualification de certains agents des guichets.» La présidente a également souligné le manque d'effectifs dans ces structures. L'état civil a ses propres contraintes et sa tâche n'est pas de tout repos, en mentionnant que près de 200 imprimés sont délivrés chaque jour. Notre interlocutrice a ajouté: «Au sein de notre APC, nous avons établi deux brigades. Ce qui permet à la mairie d'être ouverte toute la semaine de 8h à 18h.» Le but de cette initiative est d'offrir les meilleurs service et qualité d'accueil aux citoyens. Cependant, les efforts établis au sein de la mairie de la commune de Kouba ne s'appliquent pas au niveau de toutes les mairies de la capitale. En somme, il y a lieu de souligner, qu'il a été impossible de connaître le nombre de demandes de rectification et de requêtes effectuées, durant l'année écoulée. Après une longue démarche entre la cour et le tribunal d'Alger, on nous a signifié qu'il fallait faire une demande et attendre. Qui a dit que l'accès à l'information est difficile, M. le ministre de la Justice? Pour conclure, il n'y a pas mieux que la citation du philosophe D'Alembert: «Il faut distinguer les erreurs transitoires et passagères, des erreurs permanentes.»