Faut-il mettre ce décalage sur le compte d'une simple maladresse de communication? La Journée internationale de la liberté de la presse a été marquée cette année par un recul considérable dans le domaine audiovisuel en Algérie. Alors que l'Entv est critiquée de toutes parts pour son immobilisme et que des journalistes sont embarqués pour avoir protesté contre le marasme de la télévision, le secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de la Communication, Azzedine Mihoubi, se démarque de la position du Premier ministre et non moins secrétaire général du RND, Ahmed Ouyahia. En décryptant les déclarations de M.Mihoubi, on croirait à un désaccord inconciliable au sein du gouvernement. Azzedine Mihoubi a choisi la radio et non la télévision pour annoncer que l'ouverture de l'audiovisuel en Algérie n'est pas encore envisagée par le gouvernement. Il précisera que la priorité est plus pour l'amélioration des chaînes nationales actuelles et au soutien des producteurs nationaux. Cependant, le Premier ministre Ahmed Ouyahia, à travers le message lu par le porte-parole du RND, Miloud Chorfi, plaide pour une ouverture graduelle de l'audiovisuel et la création de chaînes au capital public - privé, à l'image de la 2M au Maroc. Le député du RND, Miloud Chorfi, sait de quoi il parle, puisque il a été en charge du dossier durant trois ans (entre 1990 et 1993) en tant que président du Conseil national de l'audiovisuel. Ce décalage de vision est-il intentionnel ou s'agit-il d'une simple maladresse à mettre sur le compte d'une mauvaise communication? Plusieurs autres hauts responsables se sont d'ailleurs exprimés sur la question de l'ouverture du champ audiovisuel ou la multiplication des espaces d'expression audiovisuelle. Ainsi, le 17 avril dernier à Ghardaïa, le secrétaire général de l'Organisation nationale des moudjahidine, Saïd Abadou, a annoncé le projet de création d'une chaîne consacrée exclusivement à l'histoire de l'Algérie, et qui déclare à ce propos: «Le projet est en bonne voie.» Saïd Abadou fait passer ainsi le message du ministre des Moudjahidine, Mohammed Chérif Abbas, qui a financé depuis quelques années plusieurs projets cinématographiques et audiovisuels sur le thème de la guerre de libération, tels que le film Benboulaïd et le film du moment Hors-la-loi de Rachid Bouchareb. Devant la mainmise de l'Entv, et une rédaction qui est aux ordres, chaque ministre cherche un espace de diffusion audiovisuel pour montrer ses activités ministérielles. Ainsi, le ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, a déjà exprimé à des proches son souhait de créer une chaîne de télévision consacrée à la Sonatrach. Une télévision interne a été d'ailleurs créée et des sujets sur les activités du DG de la Sonatrach et du ministre sont diffusés en boucle au siège à Hydra dans les trois langues (arabe, anglais et français) et cela pour les visiteurs étrangers. L'ouverture était souhaitée par tous mais exprimée par quelques-uns. Même l'ancien DG de l'Entv, Hamraoui Habib Chawki, a surpris tout le monde en déclarant dans une émission sur Arte Télés du monde, qu'il est favorable à l'ouverture audiovisuelle au privé. Il déclare notamment de son bureau au 21 boulevard des Martyrs: «On n'est plus dans un état de monopole, aujourd'hui avec la révolution du satellite, les chaînes françaises et arabes sont des chaînes nationales....». Comment aujourd'hui, le secrétariat d'Etat chargé de la Communication, qui avoue ouvertement son incapacité à lancer une chaîne sportive, alors qu'une télévision privée tunisienne, en l'occurrence Nessma TV, vient de signer un contrat avec le plus grand club du pays pour justement faire une télévision du MCA? Comment voulez-vous améliorer les programmes de toutes les chaînes, alors qu'on n'arrive pas à améliorer les programmes d'une seule chaîne, en l'occurrence la terrestre? Mais Azzedine Mihoubi qui était directeur de l'information à l'Entv, durant la période très difficile entre 1996 et 1997, est conscient de la difficulté du dossier, mais ne désespère pas de voir un jour le projet adopté.