Nous l'avons découvert en 2005 avec son album Le peuple orphelin, aujourd'hui il revient avec la formation Gaza Team, pour dire tout son soutien indefectible à la Palestine. Des mots qui portent fort la révolte du peuple de Ghaza et leur résistance. Jeudi dernier, il se produisait avec ses comparses, trois musiciens palestiniens et son DJ Mourad sur la scène d'Ibn Zeydoun où ils ont mis le feu sur les planches. Cinq ans après notre rencontre à Alger, arrêt sur image sur le parcours passé et projet à venir de Naily. L'Expressin: Qu'a fait Naily depuis 2005? Naïly: Depuis 2005, plein de choses. Une tournée surtout qui a duré deux ans, de 2004 à 2006, qui s'appelle le Nail Orient Express Tour. Un concept de tournée où on allait dans les villes faire 3 à 4 ateliers pédagogiques de culture hip-hop à travers la danse, l'écriture, le djing, le mao (musique assistée par ordinateur) et clôturant ces ateliers, par un spectacle. Grâce à cette tournée, nous avons été au Maroc, en Tunisie, en France et en Palestine. Il y eut la naissance du projet artistique Gaza Team. Car en Palestine et à Ghaza plus particulièrement, j'ai rencontré des jeunes hommes palestiniens avec énormément de talent. Justement, je voudrais savoir comment a été décidée cette orientation, le fait de se greffer à des Palestiniens et créer ce groupe de rap? Cela remonte à un souvenir marquant de mon enfance. Pendant toute ma scolarité en Algérie, à Djelfa et à Mascara, nous avons toujours été les premiers dans les manifestations à faire des slogans et des chants propalestiniens. Ma première rencontre avec les mots, en tout cas où j'ai vraiment compris l'importance des mots, leur puissance, leur force, j'avais à peu près 11 ou 12 ans. C'était devant un poème de Mahmoud Darwich, le récitant en direct à la télé algérienne lors d'un congrès de l'OLP à Alger, pour la création de l'Etat de Palestine. Il a fait ce fameux poème Le masque est tombé sur le masque. ça m'a transformé. Il m'a scotché. On le voyait en sueur déclamer son poème. Il y croyais fermement. Quand je suis rentré à la fac, j'ai lu Mahmoud Darwich et puis, j'ai fait un premier voyage en Palestine, en 1997, en routard, avec un ami. Ce que j'ai vu là-bas m'a touché. Jérusalem m'a changé en tant qu'homme. C'est une ville qui m'a complètement transformé, qui a insufflé en moi un minimum d'humanité et de conscience politique que je n'avais pas avant. Automatiquement, sur cette tournée, citée avant, l'étape qui m'a le plus touché c'était de jouer à Ghaza. Jouer dans des pays qui jouissent de leur liberté c'est toujours bien, une belle expérience artistique mais rentrer dans Ghaza, qui est la plus grande prison au monde, c'est autre chose. On ne peut pas rester insensible devant ce qu'on voit, et que l'ont vit et surtout la rencontre avec les habitants de Ghaza. Vous vous êtes produit également au Yémen, un pays ultraconservateur. Comment votre rap a été perçu? On était surtout surpris par l'invitation du Centre culturel français de Sanaa. On avait une idée du Yémen comme un pays assez fermé. Malheureusement, tout n'est pas faux. C'est assez traditionaliste et en même temps, aujourd'hui, nous vivons dans la mondialisation. Il y a Internet, les moyens technologiques sont assez développés, il n'y a pratiquement plus de frontières. Automatiquement, il y a au Yémen une jeunesse assoiffée de rencontres et de connaissances. Le spectacle s'est très bien passé. Les jeunes ont aimé. C'était la première fois qu'on jouait devant le ministre de la Culture du Yémen. On ne sait pas s'il a aimé ou pas. Les gens sont, en tout cas, venus après le spectacle. Ils étaient très contents. Mahmoud Darwich, poète incontournable de la poésie engagée et contestataire palestinien, est revenu souvent dans votre spectacle... Souvent, dans la poésie contemporaine arabe on tombe dans les clichés très nationalistes, alors que lui, il avait une certaine touche d' humanité où l'on ne sentait plus les frontières. On sent juste le cri d'un homme, un cri de colère, de tristesse, d'espoir et de plein de choses. Il n'y a pas en lui ce côté fermé. Quand on voit le succès qu'il a, le nombre de langues dans lesquelles il est traduit, c'est un signe qui ne trompe pas. Il y a vraiment en lui une grande humanité. Moi, je suis un rappeur, j'aime les belles plumes. Mahmoud Darwich est un grand. A la limite, je le considère comme un rappeur. Pour nous, c'est un exemple. Racontez-nous votre collaboration avec les trois Palestiniens membres du groupe Gaza Team au niveau de l'écriture des textes. Chacun apporte sa contribution. Ils (Nour, Khaled, Mohamed Ndlr) s'approprient leur propre héritage culturel et identitaire qu'ils font revivre complètement sur scène. Le jour où on a choisi d'interpréter sur scène ce poème Inscrit: je suis arabe!, peut-être que nous n'avons pas respecté les volontés de Darwich qui ne voulait plus dire ce poème-là car il possède une connotation très nationaliste, voire communautaire, nous on l'a fait pour deux raisons. Comme la plus grande partie de nos concerts est à l'étranger, le public ne comprend pas l'arabe et ne connaît pas l'histoire de ce poème. On voulait que les gens découvrent et comprennent ce qui se passe, ce qu'est être Arabe au Moyen-Orient, ce qu'est être Arabe avec Israël à côté. C'était important de le faire. Le choix de ce poème a été unanime. Oui, bien sûr, chacun y met du sien. Ce qui m'a frappé quand je les ai rencontrés, c'est leur talent, leurs plumes. Moi, je ne leur ai rien appris. Ce que j'ai pu leur apporter est un peu d'expérience dans le sens de la gestion des événements etc...Mais leur talent est là, incontestable. Je me rappelle quand je les ai rencontrés, celui qui m'a impressionné, m'a scié les jambes, c'était Nour qui avait signé un très beau texte où il comparait sa vie à celle du Christ. Je trouvais cela très fort venant d'un Palestinien ghazawite. Il n'y a pas de Roméo et de chanteurs de variétés dans le groupe. On fait notre alchimie comme ça, en cuisinant nos textes et les interprétant. Car nous sommes des auteurs avant tout et pas juste des interprètes. Un mot sur votre projet personnel, votre album en cours de réalisation dans lequel l'on peut trouver, notamment des duos avec Souad Massi et Akhenaton... C'est un album qui me tient à coeur. Il vient très en retard. Il vient sept ans après Le Peuple orphelin. Même si j'ai beaucoup travaillé entre-temps. Il y a eu un projet qui s'appelle Mouahada qui est sorti, avec le groupe Tox d'Oran, qui a bien marché. Ghaza Team m'a pris beaucoup de temps. L'album je l'ai mis à feu doux pendant toutes ces années. On est à la dernière ligne droite. Il sortira en France, à la rentrée, au plus tard en fin d'année et je l'espère en Algérie. Il s'appellera L'Empire des rêves. Musicalement, c'est un peu spécial. Je voulais casser un certain nombre de clichés en matière technique et musicale. Il y a des morceaux qui font 3 mn, d'autres 5 mn. Pourquoi ce titre? Car j'ai réalisé pas mal de rêves à travers cet album. J'ai réalisé des duos avec des gens que j'aime, que j'apprécie et que je respecte et avec lesquels je suis lié par amitié. Il y a un morceau avec Souad Massi, Samir tout court et moi. Il y a aussi un autre trio qui me tient à coeur avec Akhenaton et Mehdi, un jeune rappeur français qui milite beaucoup contre l'islamophobie en France. On retrouve aussi des duos avec Rocé, Map, (Ministère des affaires populaires), il y a Tox d'Oran, (Theory of Existence), pour moi, c'est le meilleur groupe de rap algérien. J'espère que l'album va plaire aux gens. En tout cas, j'ai pris énormément de plaisir à le faire. Le premier single qui sera sur le Net à télécharger gratuitement avec un clip, s'appellera De Djelfa à New York. Je parle de mon aventure avec le hip-hop, jusqu'à où j'en suis aujourd'hui. J'ai juste envie de dire une dernière chose. Quand j'anime les ateliers, je dit souvent aux jeunes: «Si vous êtes vraiment passionnés et si vous croyez vraiment en vos rêves, vous pouvez le faire!»