L'art lyrique, ou comme l'on dit chez nous la chanson comique, a connu une déchéance préoccupante. Le théâtre a été de tout temps un moyen fort d'expression en Algérie. Son action d'éducation sociale et d'éveil populaire pendant la colonisation a été très importante et fort efficace, ce qui lui a, en quelque sorte, causé quelques tracasseries de la part du colonisateur qui voyait en ce mode d'expression, un danger pour sa stabilité. Malgré cela, les hommes de théâtre on tenu bon et le théâtre a persisté avec toutes ses formes et notamment la comédie et plus précisément la chanson comique. En fait, durant les représentations théâtrales de l'époque, c'était beaucoup plus un message qui devait être véhiculé que la volonté de faire rire le public. Ainsi, le but recherché par des gens de théâtre tels que Rachid Ksentini, Mohamed Touri, Rouiched, Hadj Abderrahmane, Jaâfer Bek, Mohamed et Saïd Hilmi et d'autres illustres noms, était beaucoup plus moralisateur et instructif qu'autre chose. Même si l'aspect comique prédominait dans ce genre de représentation, le sujet abordé lui-même portait à réflexion; il s'agissait, par exemple, de montrer l'importance du respect d'autrui, de la bonne conduite en société, de combattre l'ignorance, le charlatanisme, l'obscurantisme, l'injustice et les fléaux sociaux en général. La chanson comique est multiple et se nomme différemment selon le thème traité. Il peut s'agir de Khissam lorsqu'il s'agit d'une dispute entre deux personnes, de Tyafer, quand ça parle de mets ou de boissons et que ça concerne deux personnes de niveaux sociaux différents, tels le riche et le pauvre comme c'est le cas lors des veillées du mois de Ramadhan ou Ramdhaniat, ou encore de El Maakous lorsqu'on se sert d'une chanson célèbre en lui inversant le sens et en utilisant d'autres paroles pour «railler»le sujet traité. La chanson comique date de très longtemps, en fait. Elle a d'abord été utilisée par des groupes de meddahs qui se produisaient en public et qu'on appelait Diwan Salhine, qui improvisaient des textes et des vers en langue populaire malhoun, arpentait les rues en s'attaquant d'une façon indirecte - souvent en mettant en scène des animaux pour mieux faire passer le message - aux dirigeants, aux avares, aux voleurs et à tous ceux qui faisaient du mal sans que personne n'ose les arrêter. Que ce soit pendant la colonisation française ou après l'Indépendance, les artistes algériens ont toujours traité avec «esprit» et «ironie» tous les problèmes du quotidien, social, politique ou autres et ce, dans le but «d'éveiller le peuple algérien, de l'éduquer par la critique constructive en exposant d'une manière plaisante et satirique sa vie matérielle et morale». Il s'agit, en fait, d'une manière de lutter et de s'opposer d'abord aux autorités coloniales pendant la guerre de Libération nationale dans laquelle on décelait beaucoup de patriotisme, puis une façon de dénoncer les déviations des dirigeants, l'injustice des responsables et les maux de la société afin qu'on y trouve des solutions. Aujourd'hui, qu'est-elle devenue, cette chanson satirique? Où sont passés ces artistes détracteurs utilisateurs de cet outil, de ce moyen d'expression populaire des opprimés, des plus faibles? La cause de leur disparition est-elle cette fausse démocratie qui a fait qu'un chanteur tel que Baâziz s'est vu interdit d'entrée dans son pays pendant de longues années ou encore ces faux problèmes dans lesquels on nous noie pour en oublier les plus gros, tel le manque d'eau que nous chante Salah, Dja el ma...? La question reste posée...