Des banques offrant des produits conformes à la charia veulent s'installer en Algérie. L'annonce de Abderrahmane Benkhalfa, délégué général de l'Association des banques et des établissements financiers (Abef), concernant l'adoption des principes islamiques dans les pratiques bancaires, vise, entre autres, à attirer de nouveaux capitaux. A l'heure actuelle, près de la moitié de la masse monétaire circule en dehors du circuit officiel contribuant, de la sorte, à alimenter le marché parallèle. Mais le fait que ce soient des banques du Golfe qui inspirent ce changement est de nature à s'interroger sur d'autres visées de ces entités ayant pour objectif de pousser plus loin l'islamisation de la société. Cet empressement à adapter la législation intervient à un moment où rien n'indique encore clairement ce qui est exactement contenu dans le vocable de «finance islamique». C'est, en tout cas, ce qui ressort d'une rencontre organisée récemment à Alger par Salam Bank. Ce n'est pas la première fois que ce dossier est évoqué en Algérie. C'était déjà le cas, il y a un an, à l'occasion du Forum international des finances. A l'époque, c'était la bonne tenue des banques islamiques d'Orient face à la crise financière qui était utilisée comme argument pour plaider en faveur de l'installation des banques arabes en Algérie. L'un des problèmes qui se pose à la finance islamique est de définir la notion de crédit usuraire. Pour certains, il s'agit aussi de savoir si l'usure est le seul critère disqualifiant la finance du qualificatif d'islamique ou s'il y a d'autres indicateurs à prendre en compte. Ce seraient les gains générés par des mouvement exclusivement financiers, donc excluant le travail, qui seraient illicites. Si le critère est l'usure, la banque serait gagnante car rien ne l'empêche de fructifier l'argent du client qui ne demande rien en retour. En Algérie, même la Cnep a tenté d'instaurer des carnets d'épargne islamiques destinés aux candidats au pèlerinage aux Lieux Saints de l'Islam. Mais l'expérience a tourné court. En tout cas, ce ne sont pas des opérations purement mercantiles qui vont satisfaire les tenants de l'islamisme financier. Pour eux, il faudrait d'abord une volonté de se conformer à l'Islam avant de penser à la nécessité de gagner de l'argent. C'est ce qu'avait expliqué, lors du Forum international des finances, le responsable du secteur lié à la charia auprès de la banque Abu Dhabi Islamic Bank, qui est en même temps son directeur exécutif, Osaïd Mohamed Adib Kailani. Malgré cette réserve, il s'était montré très optimiste sur les opportunités qui s'offrent à cette institution dans le domaine de la finance islamique. La demande d'installation de cette banque date de décembre 2007. Raïf Moketar Karroubi, son directeur chargé de la stratégie et de la planification avait assuré que cette banque base ses investissements sur le développement de créneaux rentables. Des experts algériens sont aussi des adeptes de la finance islamique à l'instar de Lachemi Siagh, responsable du cabinet d'études Stratégica. Selon lui, c'est le rôle du manager qui est déterminant, car il doit trouver un équilibre entre le business et les croyances. D'autres pas sont déjà franchis dans l'utilisation de la rhétorique religieuse dans l'économie avec l'introduction de la zakat pour financer la création d'emplois même si rien n'autorise cette pratique puisque les destinataires de cette aumône légale sont clairement définis depuis 15 siècles et que les chauffeurs de taxi n'y figurent pas. Des banques arabes continuent d'utiliser cette rhétorique.