Tahar Ould Amar travaille et vit pour tamazight. Il coordonne actuellement l'unique supplément de quatre pages hebdomadaires en langue amazighe dans la presse algérienne. Il a publié un roman en tamazight, intitulé Bururu. Et il continue à croire que tamazight a besoin d'écrits plus que jamais et plus que tout autre chose. Interrogé sur son point de vue par rapport au Salon du livre qui se tiendra cette semaine dans la ville où il vit et travaille, il répond: Je me rappelle qu'au Salon du livre organisé à Oran, il y a quelques années, les visiteurs étaient surpris de découvrir qu'il existait une littérature d'expression amazighe. Beaucoup d'entre eux semblaient agréablement surpris et voulaient en savoir plus sur cette «littérature des Zouaoua». Donc, et c'est très important, le salon permet de sortir le livre d'expression amazighe de «la réserve indienne.» Ensuite, et c'est très important aussi, le rendez-vous est une opportunité pour les auteurs et les éditeurs de se rencontrer, d'échanger des points de vue... A ce propos, et pour ce rendez-vous de Bouira, il n'est pas exclu, dans un premier temps, qu'un comité, d'auteurs d'expression amazighe naisse. Au sujet de son expérience en tant qu'écrivain en tamazight ayant publié un livre et ayant obtenu le prix «Apulée» du meilleur roman qu'attribue la Bibliothèque nationale, il confie: «En termes d'écriture, cet acte très personnel, Bururu, mon premier roman, m'a permis d'apprivoiser, d'aiguiser davantage mon kabyle. Inig nnig lkanun, ouvrage qui paraîtra incessamment aux éditions Tira, est une toute autre expérience qui aborde un autre genre d'écriture et qui, à ma connaissance, n'a, jusque-là, pas été abordé. Il s'agit d'une écriture journalistique (à mettre entre de gros et grands guillemets), puisque Inig nnig lkanun est un recueil de chroniques d'humeur, et d'humour qui colle à l'actualité politique du pays au sens générique du mot. A cette expérience, est intégrée la caricature, un autre mode d'expression signé avec brio par mon ami Djamal Amriou. Toujours en termes d'écriture, les cahiers de tamazight édités chaque lundi par la Dépêche de Kabylie, nous ont permis, à moi et à tous mes amis collaborateurs, d'inviter le kabyle (la langue) au factuel, à l'observable...à l'information telle que retenue par la définition de la presse écrite. Dans ce cas de figure, la langue est soumise à la contrainte de la ligne éditoriale et à celle de l'éthique et déontologie que le métier de journaliste suppose. Ce qui, bien entendu, influe sur la forme qui, du coup, est réduite à sa plus "simple" et plus accessible expression. C'est tout de même un parcours depuis Sligh i lbabur yughwas de si Mohand U M'hand à un texte d'information sur les dessous du projet autoroutier en Kabyle!!!» Pour Tahar Ould Amar, la survie du livre dépend de l'existence du lectorat: «Le lectorat est là. Des milliers ont appris à lire et à écrire tamazight depuis son introduction à l'école en 1995. Cela est-il suffisant? Sans doute pas. D'abord, il faut que le livre intéresse le lecteur, en ce sens qu'il ne faille pas prendre ce dernier pour un débile prêt à débourser son argent pour n'importe quel navet scriptural. Et à ce propos, l'univers de l'édition est appelé à baliser le terrain. Ensuite, l'Etat algérien, à travers ses institutions, doit accompagner cette dynamique naissante en mettant en place des mécanismes à même de faciliter l'accès du manuscrit aux éditeurs et l'accès du livre aux lecteurs. Cela étant, je suis optimiste: le printemps du livre d'expression amazighe n'en sera que plus beau.»