Les Etats-Unis sont décidés à attaquer l'Irak. Mais, celui-ci sera-t-il leur Afghanistan ou leur Viêt-nam? Attendu depuis des semaines pour apporter un tant soit peu des «preuves irréfutables» sur le prétendu réarmement de l'Irak (possession par Bagdad d'armes de destruction massive) et /ou son implication dans ce que Washington appelle «le terrorisme international», le discours du président américain devant l'ONU s'est révélé, en fin de compte, une simple opération de marketing diplomatique, de persuasion des alliés récalcitrants et de conditionnement de l'opinion publique internationale pour lui faire admettre son bellicisme rampant. En effet, sans arguments valables et encore moins de preuves indiscutables quant à la culpabilité de l'Irak dans l'une ou l'autre accusations portées par les faucons qui gèrent, depuis quelque temps, les affaires de l'Amérique et du monde, le président américain a mis, par un véritable ultimatum, l'ONU au pied du mur, face au dossier irakien, affirmant sa volonté et sa détermination à abattre le régime irakien avec ou sans la couverture juridique de l'ONU. D'ailleurs, et pour mettre la pression sur la communauté internationale au lendemain de ses harangues de guerre de la tribune des Nations unies, il a souligné, hier, que le délai accordé à l'Irak pour se mettre en conformité avec la résolution qui sera prise par le Conseil de sécurité - (un texte qui n'a pas encore vu le jour et encore moins débattu ou adopté) - se mesurera «en jours et en semaines, pas en mois et en années». Le chef de l'Exécutif américain a, certes, annoncé vouloir oeuvrer avec les autres membres du Conseil de sécurité de l'ONU à une nouvelle résolution contraignant le président irakien à respecter «immédiatement et sans conditions» ses engagements en matière de désarmement, sous peine d'actions dites «décisives». En langage clair, cela veut dire, sous peine d'une intervention militaire, donc d'une guerre. Mais, le président américain, obéissant au doigt et à l'oeil à la récente analyse de son éminence grise et vice-président, Dick Cheney, et ne tenant nullement compte des avis de prudence des dirigeants des pays alliés de l'Amérique, a ressassé les thèses de la toute nouvelle «doctrine préventive» et son fondement essentiel cher au véritable patron de la Maison-Blanche, à savoir que «l'action vaut mieux que l'inaction». Or, de l'aveu même de l'américain Scott Ritter, ancien inspecteur onusien du désarmement irakien, il n'y a aucune preuve sur l'existence d'armes de destruction massive en Irak, une conclusion partagée en privé par une grande partie des dirigeants mondiaux qui, de peur de faire face aux foudres du lobby juif et sioniste qui régente le monde, évitent de le faire entendre publiquement. Usant et abusant de la vague de schizophrénie et de délires d'ultrapatriotisme sans bornes qui prévaut actuellement en Amérique, de la solidarité sans faille partout en Occident avec les Etats-Unis à l'occasion de la commémoration des événements du 11 septembre 2001, d'un racisme primaire antiarabe et antimusulman qui ne veut pas dire son nom et d'un machiavélisme rompu à toute épreuve, les Etats-Unis sont en train d'imposer par la force leurs nouvelles conceptions géostratégiques et de sécurité dites «collectives» au reste du monde à travers ces injonctions et ces ordres à l'ONU. La mollesse des réactions des autres membres du Conseil de sécurité de l'ONU (France, Grande-Bretagne, Russie, Chine) devant tant d'arrogance américaine vis-à-vis de l'institution planétaire des Nations unies ou leur alignement pur et simple sur les vues très unilatérales américaines quant à la gestion des affaires du monde, s'explique par l'implication de ces puissances dans un grand et occulte jeu de marchandages géopolitiques sur le dos des peuples du monde. Si au moins cette logique musclée et ferme au sein de l'ONU était appliquée telle quelle, au très protégé des pays occidentaux, Israël, qui non seulement viole constamment ces mêmes résolutions de l'ONU et massacre depuis plus d'un demi-siècle les populations civiles palestiniennes, mais possède et ne cesse de développer aussi tout un arsenal d'armes de destruction massive (pas moins de 200 ogives nucléaires munies de vecteurs continentaux pour leur transport et des quantités considérables d'autres armes biologiques et chimiques). Autrement dit, et cela est devenu plus que flagrant depuis quelque temps, ce qui motive la politique étrangère de Washington ce n'est pas tant l'application équitable du droit international ou même l'avènement d'un monde plus équilibré en matière de désarmement nucléaire ou autre, mais simplement la défense d'intérêts pétroliers bassement mercantiles et de considérations hautement stratégiques liées à la suprématie de la superpuissance américaine sur le monde pour le siècle en cours. En tout cas, pour nombres d'observateurs et d'analystes, avec ou sans respect par l'Irak d'une éventuelle énième résolution de l'ONU, de présence ou non d'inspecteurs de cette dernière à Bagdad pour théoriquement contrôler le soi-disant réarmement de ce pays, les Etats-Unis sont décidés à faire de l'Irak leur nouveau Afghanistan. Reste à savoir si les ruelles de Bagdad ne ressembleront pas, en cas d'attaque américaine, à celle de Saïgon ou de Mogadiscio.