Londres a présenté son «rapport» qui a laissé sceptiques les observateurs. Déterminés à frapper l'Irak, Américains et Britanniques mènent une sorte de course contre la montre pour désarmer le scepticisme de la communauté internationale et la convaincre à élargir le camp des partisans de la guerre contre le régime de Saddam Hussein. Jusqu'ici sans résultat, Washington et Londres demeurent solitaires dans leur quête d'une coalition internationale anti-irakienne. Dans l'affaire irakienne qui mobilise le monde depuis plusieurs semaines, la communauté internationale ne cesse de réclamer des preuves, des témoignages irréfragables (du réarmement de l'Irak), exige ensuite qu'une guerre éventuelle contre ce pays se fasse sous l'autorité exclusive de l'ONU et le blanc-seing du Conseil de sécurité. Pressés de livrer bataille, les Etats-Unis se disent toutefois prêts à agir seuls avec toutes les conséquences que cela pourrait induire sur la paix dans le monde. Dans sa campagne anti-irakienne, Londres avait promis de révéler de nouveaux faits, prouvant, selon les Britanniques, que Bagdad a bel et bien entrepris son réarmement. Les preuves de Londres ont été rendues publiques mardi par le Premier ministre britannique Tony Blair qui s'appuyait sur un rapport de ses services secrets. Toutefois, une fois connus, les fameux témoignages britanniques qui devaient, à tout le moins, emporter l'adhésion de la communauté internationale, se sont révélés n'être qu'une compilation de soupçons, et spéculations déjà connus, formulés à l'encontre de Bagdad. En fait, M.Blair n'apporte aucun élément nouveau, vérifiable et crédible, susceptible de démontrer qu'effectivement des choses graves se passent en Irak. Tout ce que Tony Blair a avancé mardi, ne sont que des suspicions qui n'éclairent pas sur l'éventuel réarmement irakien. En fait, en guise de preuves, il n'y avait que la conviction de M.BLair de la «possibilité» du réarmement de l'Irak, ou de sa capacité de fabriquer des armes de destruction massive. Tout cela reste peu probant, et il en faut quand même plus pour engager le monde dans une guerre dont personne ne peut prévoir les répercussions ni l'issue. Peu convaincus par les «preuves» de Tony Blair, de nombreux travaillistes n'ont pas caché leur scepticisme, à l'instar de Jeremy Corbyn, l'un des nombreux opposants à la guerre, qui estime qu'«il n'y avait rien de nouveau dedans, (le rapport présenté par Blair), nous n'avons pas de preuves». Réagissant promptement aux propos du Premier ministre britannique, Bagdad, par la voix du ministre de la Culture, Hamed Youssef Hammadi, a rejeté «les allégations absurdes» du chef du gouvernement britannique, qui, selon lui, «s'inscrivent dans le cadre de la campagne de mensonges orchestrée par le sionisme mondial», indiquant: «Tous les rapports présentés à l'ONU par les anciens inspecteurs en désarmement ont prouvé que l'Irak ne possédait pas de telles armes, qui ont été détruites soit par l'équipe d'inspecteurs, soit par l'Irak lui-même». Or des preuves du réarmement de l'Irak, voilà ce que demande la communauté internationale. Ce qui amène cette mise en garde du Premier ministre chinois, Zhu Rongi, pour lequel «sans autorité ou mandat des Nations unies ou sans preuve tangible, toute action conduira à des conséquences graves.» Point de vue que partage le président français, Jacques Chirac, qui estime aussi que les preuves contre l'Irak sont du ressort de la seule ONU et «doivent être apportées par les inspecteurs» insistant sur le fait que les inspecteurs «aient la totalité des moyens nécessaires pour voir ce qui se passe en Irak, voir s'il y a des armes de destruction massive quelle qu'en soit la nature, et le cas échéant, s'il y en a, qu'ils s'assurent de leur destruction conformément à leur mission». Loin de l'hystérie dont font montre MM.Bush et Blair, le président Chirac semble essentiellement s'en tenir à ce que les choses restent dans la légalité internationale. En effet, une guerre contre l'Irak, peut avoir des conséquences dévastatrices. Ce que pense notamment, l'ex-général américain, Joseph Hoar, qui évoque même un «scénario cauchemar» en cas de guerre urbaine. Selon lui, «le scénario cauchemar c'est de voir six divisions de la Garde républicaine et six divisions lourdes appuyées par plusieurs milliers de pièces d'artillerie défendre la ville de Bagdad» estimant que «le résultat serait de nombreuses victimes des deux côtés, de même qu'au sein de la population civile», ajoutant: «Il y a des gens dans cette ville (Washington) qui croient qu'une campagne militaire contre l'Irak ne sera pas trop difficile en raison des énormes avantages technologiques dont nous disposons et de la volonté de certains groupes en Irak de se révolter dès le début des opérations.» «Je ne suis pas certain qu'une campagne de cette nature se déroule ainsi. Je l'espère bien sûr. Une chose dont je suis sûr c'est qu'il existe un scénario catastrophe», conclut-il. Et demeure toujours cette lancinante question du réarmement de l'Irak, qu'il appartient encore et toujours à l'ONU de démontrer, d'en apporter les preuves et de prendre les décisions en conséquence.