Les défis à relever sont à la mesure de la complexité ethnique, culturelle et politique du Soudan, la paix introuvable au Darfour et les aspirations du Sud à l'indépendance. Le président soudanais Omar El Bechir, élu en avril, entame aujourd'hui un mandat de cinq ans jugé crucial pour l'avenir du plus vaste pays d'Afrique, instable et qui oscille entre l'unité et l'éclatement. L'investiture sera l'occasion de juger du degré d'isolement de M.Bechir, qui fait toujours l'objet d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour, une région de l'ouest du Soudan en guerre civile depuis 2003. Peu de chefs d'Etat ont été annoncés pour la cérémonie et les organisations internationales de défense des droits de l'Homme s'indignent de la présence décidée de représentants de l'ONU et de l'Union africaine. Pour le président soudanais, les défis à relever sont à la mesure de la complexité ethnique, culturelle et politique du Soudan où la paix introuvable au Darfour et les aspirations du Sud à l'indépendance, ne sont que les quelques manifestations apparentes. «Le plus grand défi qui se pose au pays dans les cinq années à venir, je dirais même dans les mois qui viennent est celui de l'unité ou de l'éclatement», relève Abdel Moneim Souleiman, un activiste de l'opposition. Les sudistes doivent se prononcer par référendum en janvier 2011 sur l'autonomie de leur région conformément à l'accord de paix de 2005 qui avait mis fin à l'une des plus longues et meurtrières guerres d'Afrique, entre le Sud et le Nord du Soudan. Même si M.Bechir avait dit après son élection qu'il respecterait le choix des sudistes, les ténors de son parti, le Congrès national, disent vouloir préserver l'unité du pays. «La première mission de l'assemblée sera d'appeler les sudistes à préserver l'unité du Soudan car c'est là où réside leur intérêt alors que la séparation n'apportera que la division et la guerre», a dit Ahmed Ibrahim Tahar, après son élection lundi à la présidence du Parlement. «L'Assemblée aura aussi à résoudre le conflit du Darfour. Les armes et les tueries n'ont pas répondu aux revendications populaires et il revient aux représentants du peuple d'achever la marche pour la paix», a-t-il ajouté. Mais pour les opposants qui dénoncent une crispation du régime après les élections, avec notamment l'arrestation de l'un de leurs leaders, l'islamiste Hassan al-Tourabi, les sudistes ne peuvent faire que le choix de la séparation. «Les nordistes ne vont pas renoncer au festin du pétrole mais les sudistes ne vont pas résister à vouloir se gouverner par eux-mêmes», estime M.Souleiman en rappelant que le plus gros des gisements de l'or noir se trouve dans le Sud. «La séparation est tout à fait plausible», note Ahmed Bechir, un analyste spécialiste des relations internationales, en faisant remarquer que l'avenir du pays dépendra de la manière du pouvoir de gérer les pressions internes et externes. «A l'intérieur, il y a les revendications des groupes marginalisés (les populations du Sud et du Darfour) et à l'extérieur, il y a toute la pression de la communauté internationale qui garde un oeil vigilant sur le Soudan», dit-il. Selon lui, si l'accord de paix entre ex-rebelles sudistes et Khartoum balise l'évolution des rapports futurs entre le Nord et le Sud, il n'en est rien au Darfour où la paix reste à écrire. Les négociations entre Khartoum et le plus militarisé des groupes rebelles du Darfour, le Mouvement pour l'égalité et la justice (JEM) semblent totalement bloquées en dépit de la signature d'un accord-cadre en février au Qatar. La reprise des combats complique la recherche de la paix dans cette région où les combats ont fait depuis 2003 300.000 morts selon les estimations de l'ONU - 10.000 d'après Khartoum - et 2,7 millions de déplacés.