Pour tenter de paralyser les poursuites de la CPI, le président soudanais peut compter sur plusieurs alliés, à commencer par les chefs d'Etat de l'Union africaine (UA), qui ont manifesté leur hostilité à la décision de la Cour, qu'ils accusent de faire preuve d'acharnement à l'encontre des responsables africains, et décidé de cesser toute forme de coopération avec cette juridiction internationale. Le président soudanais, Omar El-Béchir, sous le coup d'un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), a été reconduit au pouvoir lundi 26 avril avec 68,24% des voix à l'issue d'élections controversées et entachées de fraudes. Les premières élections législatives, régionales et présidentielle multipartites depuis 1986 ont été minées par les accusations de fraudes et des problèmes techniques qui ont compliqué le déroulement du vote et l'annonce des résultats. Les observateurs de l'Union européenne et de la fondation américaine Carter ont estimé qu'elles ne répondaient pas aux normes internationales, notamment au Sud-Soudan, région où de nombreux cas de fraudes et d'intimidations ont été enregistrés. L'organisation Human Rights Watch a également dénoncé la répression politique et les violations des droits de l'homme qui ont sapé le caractère libre et équitable du scrutin dans tout le Soudan. Selon la commission électorale, le président de la région semi-autonome du Sud-Soudan, Salva Kiir, a également conservé son poste. “C'est une victoire pour tous les Soudanais”, s'est réjoui El-Béchir dans une allocution télévisée, confirmant qu'il allait mettre en œuvre le référendum au Sud-Soudan à la date précise et continuer à œuvrer pour la paix au Darfour. Prévu pour janvier 2011, ce référendum sur l'indépendance du Sud-Soudan est une étape-clé de l'application de l'accord de paix qui a mis fin en 2005 à vingt et un ans de guerre civile. El-Béchir souhaitait une victoire sans équivoque afin de faire un pied-de-nez à l'Occident et à la CPI, qui a émis l'an dernier un mandat d'arrêt contre lui pour “crimes de guerre” et “crimes contre l'humanité” au Darfour. Sa réélection prouve que les allégations contre lui sont fausses, ont immédiatement indiqué ses proches. Son influent assistant, Nafie Ali Nafie, a estimé qu'avec sa reconduction, la population a marqué son refus des positions de la CPI, spécialement les Darfouris, qui, selon la commission nationale, ont voté en masse pour le maître de Khartoum. La région du Darfour, à l'ouest du Soudan, est le théâtre depuis sept ans d'une guerre civile complexe cause de 300 000 morts, selon des estimations de l'ONU, et 2,7 millions de personnes déplacées. Le président soudanais Omar El-Béchir s'estime d'autant plus satisfait qu'il efface son arrivée au pouvoir en 1989, grâce à un coup d'Etat dont il n'était pas l'instigateur, mais plutôt l'exécutant dirigé par les cerveaux du mouvement islamiste. Au fil des années, il s'était défait de responsables puissants, comme son ex-éminence grise, Hassan Al Tourabi ou l'ex-patron des services de renseignement, Salah Gosh, pour raffermir un pouvoir dont il espère renforcer la légitimité par son élection. Mais surtout El-Béchir va utiliser sa réélection pour la construction de sa ligne de défense contre les poursuites de la CPI. Pour tenter de paralyser les poursuites de la CPI, le président soudanais peut compter sur plusieurs alliés, à commencer par les chefs d'Etat de l'Union africaine (UA), qui ont manifesté leur hostilité à la décision de la Cour, qu'ils accusent de faire preuve d'acharnement à l'encontre des responsables africains, et décidé de cesser toute forme de coopération avec cette juridiction internationale. L'UA tente de pousser le Conseil de sécurité des Nations unies à faire appel à l'article 16 du statut de Rome, qui permettrait un gel des poursuites. Et pour argumenter ce recours, les pairs d'El-Béchir vont s'appuyer sur la fait que leur protégé vient d'être élu dans le cadre d'un processus reconnu par la communauté internationale. Par deux fois, il avait déjà été élu, lors de scrutins sans enjeux ni candidats, dans l'indifférence générale. Cette fois, le scrutin, trop rapidement qualifié d'historique, a été organisé dans le cadre d'une période de transition prévue par la signature d'un accord de paix signé sous supervision américaine entre le pouvoir du Nord et l'ex-rébellion sudiste. Les élections générales ont été conçues à la fois pour donner au Soudan de nouvelles fondations, mais aussi pour servir de base pour le moment-clé du pays, le référendum d'autodétermination de janvier 2011. Administré comme une région semi-autonome depuis la mise en application du plan de paix après 2005, le Sud devrait voter en faveur de la sécession. Pour le pouvoir de Khartoum, traditionnellement accaparé par les membres d'une poignée de tribus originaires des environs de la capitale, la perspective de voir la partie sud du pays (8,5 millions d'habitants mais l'essentiel des ressources pétrolières) représente une menace sérieuse. Pour Omar El-Béchir, la véritable bataille commence maintenant, contre la CPI et pour empêcher la scission du plus grand pays africain.