Faute de rétablir le ministère de la Planification, Bouteflika a instauré celui chargé de la Prospective. «Il n'y a pas de visibilité en Algérie.» Cette phrase revient comme un leitmotiv dans les analyses des diplomates, des économistes, patrons et gestionnaires. La disparition de la planification, héritage de l'ère socialiste, à la fin des années 1980, a laissé le pays évoluer dans le flou. Et sans aucune vision à long terme. Personne ne savait de quoi serait fait le lendemain. «On ne savait jamais quelle décision allait tomber», nous confient plusieurs acteurs de la vie économique. Le choc subi lors de la promulgation de la loi de finances complémentaire 2009 est un exemple concret de la gestion par «surprise», instaurée depuis longtemps. L'Etat devait en finir avec cette manière d'agir. C'est la lecture que permet l'instauration d'un nouveau ministère chargé de la Prospective et des Statistiques. Or, Abdelhamid Temmar est titulaire de ce nouveau poste. Il est assisté de Ali Boukrami en tant que secrétaire d'Etat chargé des Statistiques. Il occupait déjà le poste de premier responsable du Commissariat général à la planification et à la prospective. Mais à présent, les deux hommes vont travailler en duo et en vase clos loin des influences des autres secteurs. Leur tâches consiste à tracer les perspective de développement de tous les secteurs. A commencer par celui de l'industrie et des entreprises que les deux hommes connaissent bien. D'ailleurs, le fait de rassembler l'industrie, la PME et la promotion de l'investissement en un seul ministère, renseigne sur la volonté du gouvernement de reprendre en main ces secteurs. C'est à un ancien responsable des Domaines qu'est confiée la tâche de mener à bien ce chantier. Mohamed Benmeradi se retrouve ainsi à la tête d'un ministère qui regroupe les compétences allouées antérieurement à Temmar et à Benbada, à savoir les affaires concernant l'industrie, la promotion de l'investissement et la PME. Mais est-ce pour autant un retour à la planification impérative? C'est difficile de revenir à la gestion socialiste dans un contexte où le privé a pris de l'ampleur et où même des entreprises publiques ont été cédées au privé. Mais l'objectif recherché est plutôt de disposer d'une visibilité pour l'action gouvernementale. Et pas seulement dans l'économie. Agriculture, nouvelles technologies de la communication et la santé sont parmi les secteurs qui évoluent sans cesse. Leur gestion impose au gouvernement de disposer de données fiables qui permettent d'anticiper les besoins de la population et de préparer les moyens de parvenir à les satisfaire. La gestion de 286 milliards de dollars fait appel à ce genre de feuille de route pour ne pas se tromper de choix. Ce ne sera pas possible de parvenir à cette fin sans intervention de l'Etat. Ce qui est différent d'une gestion par l'Etat. Ce dernier peut injecter des fonds dans l'économie et même la recherche sans détenir les leviers des entreprises et des laboratoires. Cette manière de faire est apparue en Angleterre avec John Maynard Keynes après la crise de 1929. Ce même procédé est repris par le président américain Roosevelt. Pourtant, ni l'un ni l'autre ne sont des socialistes.