Au terme de trois jours de débats, la Jirga de la paix - cette assemblée traditionnelle de 1 600 représentants - a fait une série de propositions que le président Hamid Karzaï a promis de mettre en oeuvre. Commission chargée de négocier la paix, retrait des noms des taliban des listes noires: les résolutions adoptées par la jirga de la paix à Kaboul sont ambitieuses mais difficiles à imposer aux taliban et à la communauté internationale, estiment les analystes. Au terme de trois jours de débats, la jirga de la paix - cette assemblée traditionnelle de 1 600 représentants des tribus et de la société civile afghane - a accouché d'une série de propositions que le président Hamid Karzaï a promis de mettre en oeuvre. Création d'une commission regroupant toutes les tendances pour négocier la paix, libération des prisonniers taliban détenus par les forces internationales sur la foi de «mauvaises informations», retrait des noms de dizaines d'insurgés des listes noires de terroristes de l'ONU, de l'Union européenne et des Etats-Unis, appel à des pourparlers sans conditions: la jirga préconise un ensemble de mesures - certaines déjà connues - mais aura-t-elle les moyens de les mettre en pratique? De leur côté, les taliban, dont des kamikazes ont lancé mercredi une attaque manquée à l'ouverture de la jirga, répètent à l'envi qu'ils ne dialogueront pas avant un retrait total des troupes internationales. «Les décisions prises par la jirga ne convaincront pas les insurgés de rejoindre le processus de paix», estime Waheed Mujda, analyste politique et ancien responsable des taliban lorsque ces derniers étaient au pouvoir. «L'opposition se concentre sur deux questions: une date de retrait des troupes étrangères d'Afghanistan et des amendements à la Constitution (pour imposer la charia). Ces questions n'ont pas été évoquées», souligne M.Mujda. «Suivant les propositions de la jirga, les taliban doivent se rendre. Je ne pense pas qu'ils accepteront», conclut l'analyste, rappelant que l'insurrection ne cesse de s'étendre. Pour Ahmad Sayeedi, «les décisions de la jirga sont trop idéalistes». «Si le gouvernement pouvait mettre en oeuvre les suggestions de la jirga, il l'aurait fait depuis longtemps», dit l'analyste. «Ces mesures sont belles sur le papier, mais ne sont pas réalistes», ajoute-t-il. La question du retrait des noms de plus de 70 taliban des listes noires internationales pose les limites de l'action du gouvernement afghan. «Le gouvernement afghan n'a pas l'autorité pour faire ça», rappelle M.Sayeedi. «Et si jamais ils (les Occidentaux) retiraient les noms des taliban de leurs listes noires, cela poserait automatiquement la question de la présence étrangère en Afghanistan», souligne l'analyste. Les forces internationales sont en effet en Afghanistan conformément à une résolution de l'ONU qui deviendrait caduque si ces «terroristes» n'étaient plus officiellement reconnus comme tel. «La création d'une commission chargée d'engager des pourparlers avec les taliban est une mesure très habile. Elle va permettre à Karzaï de se défausser sur la jirga concernant l'action en matière de réconciliation», souligne pour sa part un ambassadeur occidental à Kaboul. Pour Janan Mamozai, un analyste politique, la résolution finale de la jirga contient toutes les mesures nécessaires permettant de mettre fin à la guerre. «Les insurgés, qui sont pour la plupart Afghans, sont fatigués de la guerre. S'il y a un effort sincère du gouvernement et de la bonne volonté de la part du gouvernement, les chefs insurgés feront eux aussi preuve de flexibilité», estime M.Mamozai. Le principal défi désormais pour le gouvernement afghan, estime-t-il, est de faire accepter à la communauté internationale certaines des décisions de la jirga, comme «la question des listes noires de terroristes ou imposer un cessez-le-feu», y compris aux forces internationales.