Les taliban ne contrôlent pas la ville de 800.000 habitants, assurent les militaires de l'Otan; en revanche, ils l'infiltrent pour se ravitailler et intimider la population. Dans la ville afghane de Kandahar, en plein bastion taliban, point de chars d'assaut en vue. Pour gagner la confiance d'une population livrée à elle-même, l'Otan mise sur la méthode douce: former la police et restaurer l'autorité d'un gouvernement jugé absent. Si l'opération militaire d'envergure lancée dans la province promet d'âpres combats autour de cette capitale du sud, les forces internationales jurent que Kandahar City ne sera pas un autre Falloujah, ville irakienne rebelle ravagée au plus fort de la guerre en Irak. «Kandahar n'est pas en train de brûler», répète à l'envi le commandement de l'Otan. Dans le dédale des ruelles poussiéreuses du centre, le petit commerce bat son plein, tandis que voitures, taxis jaunes, vélos et triporteurs se disputent le passage sur les grandes avenues. Les taliban ne contrôlent pas la ville de 800.000 habitants, assurent les militaires de l'Otan; en revanche, ils l'infiltrent pour se ravitailler et intimider la population. Aux lettres de menaces s'ajoute une récente vague d'assassinats visant les figures locales. Mardi, le gouverneur du district voisin d'Arghandab a été tué en plein Kandahar par un kamikaze. Une menace invisible qui alimente le sentiment d'impunité dans une cité rongée par le crime et la corruption. «Personne ne se bat contre nous dans la ville. Le problème, c'est qu'il n'y a pas de gouvernement», résume un officier américain. Dans les rues, l'anxiété est palpable. Les habitants se plaignent de l'absence des autorités. Certains regrettent le régime taliban. «Tous les jours, il y a des attentats suicide...ça empire de jour en jour», se lamente Gulalaï Shirza, professeur d'université. «Les gens n'ont pas confiance en leur gouvernement car tout ce qu'ils voient du gouvernement, c'est un policier qui leur extorque de l'argent, c'est la mauvaise gestion de l'eau, ce sont des litiges fonciers qui ne sont pas résolus», admet le général Ben Hodges, responsable des forces américaines dans le sud. Pour tenter de briser le sentiment d'insécurité, l'Otan se concentre sur la formation d'une police afghane réputée inefficace et corrompue. Les effectifs de la police militaire américaine tripleront cet été et des check-points seront dressés aux alentours de la ville. Le recrutement va bon train selon l'Otan, mais les rangs des policiers afghans restent épars, 800 à 1000 hommes pour la ville. Et selon leurs formateurs, le chemin est encore long avant qu'ils ne deviennent efficaces et autonomes. «Ils ne sont pas attentifs aux détails, comme tout soldat américain ou afghan», commente le sergent Michael Crowley, du 293e bataillon de police militaire, pendant la visite d'un commissariat où flotte une odeur de haschisch. Parallèlement, l'Otan cherche à restaurer la crédibilité du gouvernement provincial en l'aidant notamment à financer des projets de développement: électricité, eau, éducation. Un budget annuel de «centaines de millions de dollars» y est consacré dans la province, explique Ben Roswell, directeur canadien de l'équipe provinciale de reconstruction (PRT) de l'Otan à Kandahar. Mais cet afflux d'argent «est assorti de risques, et la corruption en est un», admet-il, alors que certaines figures politiques et sous-traitants privés travaillant pour l'Otan sont soupçonnés de détournements. Parmi eux, le chef du conseil provincial, Ahmed Wali Karzaï, demi-frère du président Hamid Karzaï, que les forces internationales ont renoncé à écarter du pouvoir faute de preuves, mais qu'elles assurent tenir à l'oeil. «Je pense qu'il veut figurer du bon côté de l'Histoire», estime le général Hodges. Complexe mélange de sécurité et de gouvernance, l'opération menée dans la ville de Kandahar promet d'être un effort de longue haleine. «Il faut être réaliste sur la manière de mesurer le succès. Ca ne va pas se faire du jour au lendemain», prévient un responsable militaire américain.