Dans une déclaration faite à la presse marocaine, samedi à Marrakech, la star vieillissante du cinéma français a appelé à la libération des Marocains «prisonniers des Algériens à Tindouf». Visiblement en mission de désinformation et se faisant le porte-parole des autorités marocaines sur la question du Sahara occidental, le comédien français a sciemment qualifié les réfugiés des camps de Tindouf de détenus marocains faits prisonniers par les Algériens. Epousant ainsi les thèses du pouvoir marocain qui veut faire passer les Sahraouis, qui ont trouvé asile sur le territoire national, pour des séquestrés. «La légende vivante et mythe du cinéma mondial a souligné l'impératif d'aider ces Marocains, "prisonniers des Algériens à Tindouf", à recouvrer leur liberté et à regagner la Mère-Patrie», ont rapporté dans leur quasi-totalité les médias du Royaume. Et c'est donc sans surprise qu'Alain Delon a exprimé son soutien au projet marocain de large autonomie pour le Sahara occidental. «J'aurais bien aimé être parmi les gens de la Caravane (de soutien au projet marocain d'autonomie Ndlr)... elle a permis à des centaines de personnes de venir défendre la cause du Sahara qui est primordiale dans l'esprit de l'ensemble des Marocains». aurait déclaré l'acteur français à l'agence de presse officielle, MAP, qui s'en est fait l'écho dans une dépêche répercutée le 20 juin 2010. Qu'Alain Delon soutienne le projet de large autonomie proposé par le Maroc, n'a rien de choquant. Connu pour ses accointances avec la droite française, ce n'est un secret pour personne, l'acteur français n'a pas été rendu célèbre par des prises de position en faveur des peuples opprimés épris de liberté, encore moins par des idées progressistes. Il aurait plutôt tendance à incarner l'image d'une France bien «franchouillarde» et reflète parfaitement la prise de position de la France officielle, notamment en ce qui concerne l'autodétermination du peuple sahraoui. Pour preuve. La voix du comédien français ne s'est pas élevée lorsque la militante des droits de l'homme, Aminatou Haïdar, avait été expulsée vers l'île de Lanzarote, aux Canaries, le 13 novembre 2009 par les forces d'occupation marocaines. On ne l'a pas non plus entendu quand les sept militants sahraouis des droits de l'homme, de retour d'une visite dans les camps de réfugiés sahraouis, furent arrêtés le 8 octobre de l'année dernière sur le tarmac de l'aéroport Mohammed V de Casablanca, puis jetés en prison sans aucune autre forme de procès. Comme il n'a pas pris connaissance de l'un des derniers messages communiqués par le président de la République sahraouie au secrétaire général de l'Organisation des Nations unies. «La défense des principes fondamentaux de la légitimité internationale ne peut pas se transformer en une accusation et ne devrait pas permettre au gouvernement marocain de procéder à la confiscation des libertés fondamentales des personnes, pour avoir exprimé des idées contre la politique d'expansion du Maroc», a écrit Mohamed Abdelaziz dans une lettre adressée à Ban Ki-moon, le jour même (le 19 juin, Ndlr) où Alain Delon faisait ses déclarations à la presse marocaine. Ce qui était dans son droit. De là à affirmer que les réfugiés sahraouis des camps de Tindouf sont des Marocains faits prisonniers par les Algériens, revient à dépasser des bornes que la star finissante du grand écran français a allègrement franchies. Carton rouge pour «Rocco et ses frères»!