A chaque commémoration liée à la guerre de Libération nationale, surgissent des cicatrices qui mettent en exergue toute la complexité des relations politiques entre l'Algérie et l'ancienne puissance coloniale. La date du 5 Juillet, qui symbolise l'accession de l'Algérie à son indépendance et qui vient tout juste d'être célébrée pour la quarante-huitième fois en est la preuve. Le passé a ressurgi brutalement. Enfoui juste le temps d'une commémoration, il refait sa réapparition comme si c'était... hier. A cette occasion, le dossier concernant l'indemnisation des Algériens victimes des essais nucléaires français a refait surface et représente à lui seul tout le malaise de la France officielle à reconnaitre et à assumer les atrocités commises par son armée pendant la guerre de Libération nationale mais aussi depuis qu'a commencé sa conquête du territoire algérien. Des avocats, des journalistes et des chercheurs ont lancé, le 3 juillet, un appel à la France «50 années après son premier essai, à reconnaître cette situation et à prendre ses responsabilités en mettant en oeuvre les revendications légitimes des victimes algériennes des essais nucléaires français au Sahara algérien». A travers les essais nucléaires menés au Sahara algérien dans les années soixante, c'est une nouvelle page d'horreur de la présence française en Algérie qui vient d'être ouverte. Leur but inavoué: «Etudier les effets physiologiques et psychologiques produits sur l'homme par l'arme atomique», précise un document que s'est procuré le journal français Le Parisien (voir l'Expression du 17 février 2010). Il est important de rappeler que quelque 300 militaires français, des appelés pour la plupart, issus de régiments basés en Allemagne, ont servi de cobayes entre 1960 et 1966. La première bombe qui a éclaté à Reggane était dotée d'une puissance de 70 kilotonnes. Ce qui représentait l'équivalent de quatre fois celle d'Hiroshima. On ne peut mesurer les dégâts et les ravages qu'a occasionnés et que continue d'occasionner une déflagration d'une telle ampleur. Quel était le prix de l'être humain durant cette période? «A l'époque, les hommes ne comptaient pas», a témoigné, une des victimes françaises dont le visage a été ravagé par ces expériences. Il est pratiquement impossible de croire en de futurs rapports apaisés entre les deux pays tant que le lourd passé colonial de la France n'est pas soldé. Comme il est difficile de croire que c'est une question de temps et que les générations algériennes futures tireront un trait sur les drames, les violences, la torture... vécus par leurs aînés. L'amnésie, c'est certainement ce qu'il ne faut pas leur demander. Ce sont autant de blessures, de plaies béantes qui ne se sont pas cicatrisées. Elles pendent au nez de la France pour lui rappeler à chacune de ces occasions, l'horreur de 132 années de présence en Algérie. Des plaies béantes. A l'occasion du 48e anniversaire de l'Indépendance, et de la table ronde sur les crimes coloniaux organisée dans le cadre du forum d'El Moudjahid, l'avocate Fatma-Zohra Benbraham a rappelé le douloureux épisode des Algériens déportés en Nouvelle-Calédonie: «Les conditions de transport et de vie ainsi que les traitements inhumains infligés à ces déportés algériens, appelés arabes, furent derrière la mort d'un très grand nombre d'entre eux. Plusieurs Algériens périrent durant leur déportation alors que deux tiers sont morts durant leur détention. Certains furent enterrés à l'île des Pins avec d'autres déportés communards, morts aussi en détention.» Pour rappel, le procès des chefs de l'insurrection de 1873 s'est ouvert un 10 mars. 219 accusés y ont comparu et figuraient parmi eux Mokrani Boumezrag et les fils de cheikh Ahaddadh, Aziz et M'hamed. 149 furent jetés en prison. La majorité a été déportée en Nouvelle-Calédonie dans de terribles conditions qu'a tenu a rappeler la conférencière. Une domination coloniale féroce, sauvage symbolisée près d'un siècle plus tard par les assassinats de Ben M'hidi, admirable de dignité et de courage, pendu au bout d'une corde, d'Ali la pointe, Hassiba Ben Bouali, Petit Omar sauvagement «plastiqués» dans leur cache. Comme ont été martyrisés à mort à coups de «Gègène», bombardés au napalm ou abattus à bout portant des milliers d'Algériens. Comble de l'ironie, plus de quarante années après l'Indépendance, le Parlement français a voté le 23 février 2005 une loi glorifiant la présence française dans ses colonies en général et en Algérie en particulier. En guise de réponse et face au refus de la France de reconnaître ses atrocités commises en Algérie une proposition de loi, criminalisant le colonialisme français signée par 125 députés a été déposée le 13 janvier 2010 au bureau de l'Assemblée populaire nationale. Un peu comme pour mettre davantage dans l'impasse des relations politiques déjà bien crispées et qui ne pourront trouver quelque répit que dans la démystification du colonialisme français. Découvrir sa véritable image dans tout ce qu'elle comporte de plus hideux de plus inhumain pour dire à la face du monde que certains pays dits civilisés ont une part de sauvagerie en eux-mêmes.