Le vrai lecteur est un intimiste dans la mesure où c'est dans sa solitude avec le livre qu'il éprouve une jouissance palpitante. Le passé est dans le présent, les anciens nous l'assurent. Mais les modernes le confirment-ils? Oui, parfois. Par nostalgie. Ou par regret. Le merveilleux est dans les livres. On y met une beauté et une clarté nouvelle. Chaque fois que nos mains jointes s'ouvrent, paumes côte à côte tournées vers nos yeux, il y a une place pour un livre ouvert, et le passé n'est pas loin. Pareillement les traditions nous mettent devant notre propre miroir. Notre histoire s'étend comme une vaste plaine parsemée de nous-mêmes: nos us et coutumes. Notre survie va dépendre donc de notre confiance accordée ou non au livre: que va-t-il ressusciter de bon en nous? Le livre doit intéresser tous ceux qui savent l'alphabet; tout est là. Bien sûr. Mais j'ose cette question saugrenue: qui apprend l'alphabet, qui écrit le livre, qui édite le livre, qui vend le livre, qui... lit le livre? Et pourtant, l'enseignant, l'écrivain, l'éditeur, le libraire, le lecteur... existent. LE MIROIR DES AVEUGLES de Aïssa Hirèche, Editions Alpha, Alger, 2009, 219 pages. Tutoyer les nuages... Ce n'est pas donné à tout le monde d'unir ce que l'on voit et ce que l'on a vu. Et il en est de même du scrupule d'éviter d'étaler ses recherches pseudo-littéraires pour montrer ses qualités d'écrivain. Il y a une technique du rêve, je crois, qui prouve que les images inventées doivent leur âme à la sincérité de dire, plus qu'à la densité de l'imagination. Je note bien, comme beaucoup ailleurs, que l'ambition trop jalouse de tout ce que l'on fait est une monstrueuse vésanie. Mais dans ce que je lis dans Le Miroir des aveugles de Aïssa Hirèche, je découvre un écrivain de Biskra qui n'a rien du schizophrène. Sa sensibilité pure d'enfant simple de la Reine des Zibans (malikat ez-Zibân, la reine des «oasis»), sa passion pleine d'humour et de vérité, sa connaissance et son expérience des différents milieux humains, sa naïveté d'homme intelligent et pudique, révèlent un auteur d'avenir. Ces «contes» (ou ces fables) se présentent comme des «nouvelles» dont la première «Le Miroir des aveugles» donne le ton à l'ensemble qui évoque des fragments de vie. Parlant de «pudeur», de «justice» et de «sagesse», Hirèche nous place en plein dans le songe pour augmenter notre imagination et, par ainsi, notre esprit. El Qaçba, zemân, La Casbah d'Alger, autrefois, tome 2: Le Mariage de Kaddour M'Hamsadji, OPU, Alger, 2009. Dans cet ouvrage, fruit d'un long travail de recherche, Kaddour M'Hamsadji, qui a déjà écrit un premier tome sous le titre El Qaçba, zemân: Histoire (De l'île aux mouettes à la Casbah) dans lequel il parle des origines de la séculaire cité et des différentes étapes de sa construction, met en valeur la richesse des traditions, coutumes et fêtes pratiquées autrefois et précieusement conservées et transmises de génération en génération. [...] Dans ce livre jalonné de termes poétiques, l'écrivain retrace les différentes étapes du mariage en commençant par la demande en mariage qui se déroule en plusieurs phases, à savoir «El khoutba», la demande en mariage proprement dite, le «qtî echchart», la fixation des conditions (morales et matérielles), «elmahr» appelé couramment «eç-ç'dâq», la dot maritale. L'auteur évoque aussi le cérémonial du «d'fou» (fiançailles), au cours duquel le père du marié et celui de la mariée fixent la date du mariage du jeune couple ainsi que la cérémonie de mariage, précédée par de longs et minutieux préparatifs (travaux ménagers, préparation du trousseau de la mariée, confection des gâteaux, invitations). L'ouvrage met aussi en exergue les cérémonies organisées au domicile de la mariée, notamment «Laïlat el hanna» (la nuit du henné) au cours de laquelle, la jeune fille portera de magnifiques toilettes brodées d'or et d'argent, quelle que soit sa condition sociale. «La mariée est élégamment habillée d'un qaftan court en velours, ouvert en pointe, et dont de délicates broderies d'or ponctuées de couleurs enrichissent les côtés de part et d'autre de l'ouverture. La chemise, dont les grandes manches de couleur sortent des ouvertures de cette veste, tombe par-dessus le sârwal en soie légèrement brodé», écrit l'auteur à propos du faste caractérisant la fête du mariage d'antan tout en mettant en exergue le rôle joué par la femme dans la transmission du patrimoine immatériel. (APS, 15 septembre 2009) «Le tome II qui vient de paraître est axé sur le mariage traditionnel dans El Qaçba zemân, les mémoires de la mouette racontant une tradition multiple et ancestrale. Les traditions, le mariage et ses modalités, l'enfance et ses différents stades d'évolution, les adultes et leurs relations, le langage des femmes, le langage des hommes, les jeux des filles, les jeux des garçons, les chants, les fêtes religieuses, les visites, les tabous, les préjugés...sont autant de faits qui rendent lisible et visible et surtout vivant ce Vieil Alger par la restitution de son cadre de vie ancestral. Dans son livre El Qaçba zemân, tome II, Kaddour M'Hamsadji n'a rien moins que fait oeuvre d'anthropologue en ramenant au jour la geste d'une entité aujourd'hui disparue, les citadins du Vieil Alger, d'il y a deux siècles. Un livre qui se laisse lire comme une oeuvre épique... Au final, Kaddour M'Hamsadji, cet homme cultivé mais plein de modestie, doté d'un immense savoir qu'il cache derrière un regard toujours souriant, est une rareté dans l'espace culturel algérien parce qu'il constitue aujourd'hui pour la jeunesse algérienne, une véritable bibliothèque vivante. Happy birthday, Kaddour!» (N. Krim in L'Expression, 31 octobre 2009, p.13).