Le Premier ministre français François Fillon a officialisé hier en Nouvelle-Calédonie la double légitimité des drapeaux français et kanak, qui flotteront désormais côte à côte sur cet archipel du Pacifique, nouvelle étape de sa décolonisation progressive. Après des danses et une présentation d'offrandes par des chefs traditionnels autour de la bannière des indépendantistes du FLnks (Front de libération kanak et socialiste) - une flèche kanake dans un soleil sur fond bleu, rouge et vert - le chef du gouvernement a assisté à la levée des deux drapeaux, avant l'interprétation de l'hymne national. La cérémonie s'est déroulée au Haut-Commissariat, qui abrite le représentant de l'Etat dans ce territoire français situé à 18.000 km de Paris. En proie durant les années 1980 à des violences entre partisans et opposants à l'indépendance, l'archipel du Pacifique sud est engagé depuis l'accord de Nouméa (1998) dans un lent processus d'émancipation par étapes, devant s'achever par un référendum d'autodétermination entre 2014 et 2018. Laborieusement, les élus se sont déjà entendus sur un hymne, une devise et des illustrations pour la monnaie. Désormais les deux drapeaux flotteront côte à côte sur tous les édifices publics. «C'est un nouvel élan pour la réconciliation en Nouvelle-Calédonie et la reconnaissance de nos deux légitimités», s'est réjoui Pierre Frogier, député du parti présidentiel UMP. Même tonalité du côté des indépendantistes: «C'est un aboutissement, une forme d'acceptation partagée», selon le président de l'Union calédonienne, Charles Pidjot. Mais la question demeure de savoir ce que les Calédoniens décideront, indépendance totale ou accord d'association encore à trouver avec Paris. Dans un discours devant le Congrès - le Parlement de l'archipel - François Fillon n'a pas caché sa préférence pour le «maintien du lien» qui unit la Nouvelle-Calédonie à la France depuis 1853. Il a confirmé qu'un comité d'experts indépendants allait être mis en place pour aider les Calédoniens à concevoir un système institutionnel «original». Cette idée de ne pas rompre complètement avec la France est partagée dans les milieux indépendantistes. «Nous devons négocier nos interdépendances, surtout avec la France», a estimé Dewe Gorode, figure de la lutte anti-coloniale.