Loin de clarifier la situation sur la question de l'intégrité territoriale des états, la CIJ accentue le doute quant à l'interprétation qui est faite du droit international. La Cour internationale de Justice (CIJ) a conclu, jeudi, que la déclaration d'indépendance du Kosovo n'avait pas violé le droit international, à la satisfaction des Etats-Unis, mais la Serbie, toujours soutenue par la Russie, a aussitôt réaffirmé qu'elle ne l'accepterait jamais. «La cour a conclu (...) que l'adoption de la déclaration d'indépendance du 17 février 2008 n'a violé ni le droit international général, ni la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, ni le cadre constitutionnel», a déclaré Hisashi Owada, le président de la CIJ, au Palais de la Paix de La Haye. L'avis, consultatif, de la CIJ lève les derniers doutes que pourraient avoir les pays n'ayant pas encore reconnu l'indépendance du Kosovo, a estimé le président kosovar Fatmir Sejdiu, qui a appelé ceux-ci à reconnaître «dès que possible» le Kosovo en tant qu'«Etat indépendant et souverain». Le ministre des Affaires étrangères serbe Vuk Jeremic a, quant à lui, affirmé que la Serbie ne reconnaîtrait «jamais» l'indépendance du Kosovo, qu'elle considère comme sa province méridionale. La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a appelé tous les pays, y compris la Serbie, à reconnaître cette indépendance, et le chef de la diplomatie de l'UE, Catherine Ashton, a «salué» les conclusions de la CIJ et incité Pristina et Belgrade au «dialogue». Le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle a exhorté Serbes et Kosovars à s'orienter vers leur «avenir européen», et son homologue français, Bernard Kouchner, a jugé que l'indépendance du Kosovo était «irréversible». Les Etats de l'UE sont toutefois divisés sur la déclaration d'indépendance du Kosovo, que cinq pays membres ne reconnaissent pas à ce jour: Espagne, Slovaquie, Roumanie, Grèce et Chypre. Si elle a indiqué jeudi qu'elle «respecte» l'avis de la CIJ, l'Espagne n'a pas précisé si elle allait modifier à court ou moyen terme sa position sur la question. Alliée traditionnelle de Belgrade, la Russie a quant à elle réaffirmé qu'elle demeurait hostile à la reconnaissance de l'indépendance du Kosovo. Et le Premier ministre de la Republika Srpska (RS, entité serbe de Bosnie), Milorad Dodik, a qualifié l'avis de la CIJ de «violence juridique» et d'«humiliation pour la Serbie». Pour le Premier ministre albanais Sali Berisha, l'avis de la Cour internationale ouvre au contraire «un nouveau chapitre dans l'histoire des relations entre les Serbes et les Albanais dans les Balkans». Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a de son côté mis en garde contre toute «action qui pourrait être interprétée comme provocante et qui pourrait faire échec au dialogue». Cependant, la CIJ «n'est pas tenue (...) de prendre parti sur le point de savoir si le droit international conférait au Kosovo un droit positif de déclarer unilatéralement son indépendance», a déclaré le président de la CIJ. Selon M.Owada, la CIJ devait uniquement déterminer si la déclaration d'indépendance du Kosovo avait violé le droit international. «La Cour n'est pas chargée de dire si le Kosovo a accédé à la qualité d'Etat», a-t-il ajouté. «Le Kosovo ne constitue pas un précédent pour tout autre cas» d'aspiration séparatiste, a également affirmé M.Sejdiu. Mais le président abkhaze, Sergueï Bagapch, a jugé que l'avis positif de la CIJ sur la déclaration d'indépendance du Kosovo confirmait «le droit à l'autodétermination» de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud, les régions séparatistes de Géorgie. L'Otan a, pour sa part, indiqué qu'elle continuerait de «faire son travail» au Kosovo par l'intermédiaire de la Kfor, la force chargée de la sécurité du territoire kosovar. Le conflit de 1998-1999 entre les forces de Belgrade et les maquisards indépendantistes kosovars a fait plusieurs milliers de morts, pour la plupart des Albanais du Kosovo, et 1 862 personnes sont toujours portées disparues. Belgrade avait obtenu le 8 octobre 2008 de l'Assemblée générale de l'ONU qu'elle saisisse la CIJ, principal organe judiciaire de l'ONU, sur la légalité de la proclamation d'indépendance du Kosovo du 17 février 2008. Du 1er au 11 décembre 2009, la Serbie, le Kosovo et 29 autres Etats, dont les Etats-Unis et la Russie, avaient participé à une procédure orale à La Haye. Soixante-neuf pays, dont les Etats-Unis et 22 pays de l'Union européenne, ont jusqu'ici reconnu l'indépendance du Kosovo, qui compte deux millions d'habitants, dont 90% sont Albanais.