Par cette action militaire, la France attente directement à la sécurité intérieure de l'Algérie. 14 juillet 2010 - 22 juillet 2010. Il a suffi d'une semaine après la célébration de l'anniversaire de la Révolution française et du cinquantenaire des indépendances d'une douzaine de pays francophones du continent noir pour que Sarkozy dévoile au grand jour son dessein de ne point revenir sur la tradition faisant de l'Afrique le pré-carré de la France. L'intervention militaire française au Mali pour tenter de libérer un otage retenu par Al Qaîda au Maghreb ne laisse, en effet, aucun doute sur sa volonté de maintenir une partie du continent africain sous influence française. Une fois encore, c'est le Sahel qui est ciblé par cette visée hégémonique. Ce qui ne peut être accepté par des pays qui, à l'instar de l'Algérie, refusent l'ingérence de forces extérieures à la région et surtout à leurs frontières. De fait, les wilayas du Sud algérien composent le tiers des territoires de la région du Sahel. Aussi, il n'est pas exagéré de considérer que l'acte d'un pays étranger dans cette zone touche directement à la sécurité et à l'intégrité du territoire national. De la sorte, c'est la souveraineté de la nation qui est menacée alors que son indépendance est remise en cause. Il est tout aussi regrettable que Paris ait décidé d'agir sans se soucier de solliciter l'avis de l'Algérie. Mais si l'on replace cet oubli, à l'évidence volontaire, dans un contexte plus large, on s'aperçoit que ce n'est qu'un maillon qui fait partie d'un complot visant à affaiblir l'Algérie dans la région du Maghreb et du Sahel ensuite. Même si les premiers à payer le prix de ces mauvais calculs seront d'abord les Français. Leurs ressortissants ne se retrouvent que plus menacés partout dans le monde par des bandes terroristes à cause de stratégies incorrectes de politiques qui se croient toujours en pays conquis. Le gouvernement ne s'en sort pas mieux. Les effets de ses ratages se feront sans doute ressentir à terme au niveau de la popularité de Sarkozy, en chute libre. Le président français qui, déjà, à l'intérieur, avait maille à partir avec les «affaires», à l'instar du scandale Bettencourt-Woerth qui a sérieusement ébranlé la crédibilité de son gouvernement, n'avait certes pas besoin de ce fiasco retentissant avec, de surcroît, la mort de l'otage français. L'attaque contre un camp d'Al Qaîda visait en partie à détourner l'opinion de ces scandales, mais tout porte à croire que cela a eu l'effet contraire. C'est le prix à payer lorsque la France considère qu'elle peut opérer au Sahel sans solliciter l'expertise de l'Algérie. Par sa lutte contre le terrorisme durant de nombreuses années, l'Algérie a acquis une expérience irremplaçable dans ce domaine, outre le fait qu'elle dispose de plus gros moyens lui permettant de contenir efficacement le terrorisme dans un cadre gérable. Cette donne n'a pas échappé aux Etats-Unis qui ont une tout autre approche lorsqu'il s'agit d'aborder la coopération avec les pays du Maghreb et du Sahel à propos du terrorisme. «Nous nous limitons à prêter assistance aux pays de la région car ce sont eux qui connaissent le terrain, les moeurs et la culture du Sahel», a dit avant-hier à Alger le coordinateur de la lutte antiterroriste au département d'Etat américain, Daniel Benjamin. Ce dernier a pris le soin de préciser que son pays évite tout engagement miliaire direct. Ce qui est visiblement loin d'être le choix de Bernard Kouchner et de Hervé Morin, respectivement ministres des Affaires étrangères et de la Défense de la France. Le tout avalisé par l'Elysée. Au risque de compromettre les chances de normalisation des relations avec l'Algérie. C'est un nouveau motif de discorde que viennent d'ajouter les autorités françaises à la liste déjà longue des contentieux avec la l'Algérie. L'Algérie a déployé tant d'efforts pour rallier les pays du Sahel à l'idée d'une coordination de la stratégie de lutte contre le terrorisme. Or, la France ignore ostensiblement ce processus mis au point avec l'ensemble des pays sahéliens qui ont tenu plusieurs réunions ces derniers mois, notamment à Tamanrasset, au coeur de la région du Sahel. Une collaboration avec l'Algérie aurait au moins permis de disposer de meilleures informations sur les lieux de campement des terroristes et pourquoi pas de localiser l'otage français. En faisant cavalier seul, c'est une occasion de porter un nouveau coup de boutoir à Al Qaîda au Maghreb islamique qui est raté. Pire, l'opération française risque de fournir aux terroristes un nouveau prétexte pour intensifier leurs violences. Que ce soit sur les territoires des pays du Sahel ou de pays européens. Ce que la stratégie élaborée par le commandement unifié de Tamanrasset tentait justement d'éviter. La levée de boucliers contre la politique égocentrique de la France a déjà été la règle lors de l'affaire de l'otage Camatte libéré contre l'élargissement des terroristes détenus au Mali. Mais, apparemment, la leçon n'a pas été retenue par Paris.