Une France qui se maintient dans la cour des grands par, entre autres, son poids politique en Afrique où plusieurs pays restent voués à soutenir sa politique étrangère. C'est cela la Françafrique. Une quinzaine d'Etats de l'Afrique subsaharienne célèbre le cinquantenaire de son indépendance. Les cérémonies ont commencé par le Cameroun où Paul Biya a organisé un sommet sur l'avenir du continent. Il n'a pas eu toute la brochette de chefs d'Etat escomptée, et pour cause, l'heure n'est vraiment pas à l'euphorie ni aux festivités dans une Afrique qui n'a pas décollé sur le plan économique et qui, sur le plan politique, nage en pleine régression avec des pouvoirs qui n'arrêtent pas de se succéder à eux-mêmes. Question gouvernance, c'est le continent où l'alternance est restée une vue de l'esprit, où les chefs d'Etat n'ont pas hésité à se retailler des Constitutions sur mesure, inaugurant, pour certains, des républiques monarchiques, leurs fauteuils étant de facto légués à leurs propres enfants. Cette quinzaine d'Etats sont tous d'anciennes colonies de la France qui avaient accédé à l'indépendance dans les années 1960 lorsque la France gaulliste, persuadée d'avoir perdu l'Algérie, leur a octroyé une souveraineté où Paris avait gardé des cartes et non des moindres. Seule la Guinée Conakry avait refusé le deal et on sait par la suite ce qu'il est advenu de ce pays encore dans la crise. Sarkozy qui a reconduit le système de la Françafrique, après l'avoir décrié durant sa campagne électorale, n'assiste pas à ces cérémonies. Il a dépêché son secrétaire d'Etat à la Coopération et à la Francophonie, Alain Joyandet, qui de Yaoundé, au Cameroun, se rendra à Dakar (Sénégal), ensuite à Bamako (Mali) et à Nouakchott (Mauritanie). D'autres ministres assisteront aux festivités des autres pays. En fait, Sarkozy fait mieux. Il a invité une cinquantaine de chefs d'Etat africains à participer, du 31 mai au 1er juin 2010 à Nice, au sommet Afrique-France, un sommet qui devait initialement se dérouler en février à Charm El-Cheikh, en Egypte, mais que la France a boudé pour protester contre l'invitation par Moubarak du président soudanais El-Bachir sous le coup d'une inculpation de la CPI (Cour internationale pénale) pour “crimes contre l'humanité au Darfour”. Cerise sur le gâteau, des militaires des Etats célébrant le cinquantième anniversaire de leur indépendance défileront sur les Champs-élysées au sein des armées françaises. Ce 14 juillet 2010 sera donc, par la volonté de Sarkozy, “africain” ! C'est plus qu'un symbole ce rappel de la françafrique. Rappel de ce système installé par De Gaulle au tournant des années 1960. Côté français, les gouvernements, de droite comme de gauche, ont continué de nourrir l'ambition d'une France puissance mondiale. Une France qui se maintient dans la cour des grands par, entre autres, son poids politique en Afrique où plusieurs pays restent voués à soutenir sa politique étrangère. C'est cela la françafrique. Côté africain, la Françafrique est perçue par les chefs d'Etat qui en font partie comme une assurance-vie. C'est pour eux la garantie d'un soutien financier à travers l'aide publique à la gestion, l'entregent de Paris auprès du FMI et de la Banque mondiale, d'un soutien monétaire avec le franc CFA adossé au Trésor français et à l'euro. Surtout françafrique pérennise des régimes très peu démocratiques mais fidèles à la France. On est loin de “la France n'a pas à jouer un rôle de gendarme en Afrique”, a lancé Sarkozy au Cap, en Afrique du Sud, en février 2008. Le président français a même renoncé à fermer la base militaire française de Libreville au Gabon, comme le suggérait pourtant le Livre blanc de la défense publié en juin 2008. Le président Ali Bongo a vendu la mèche, “c'est donnant-donnant, la France protège notre régime contre les menaces intérieures ou extérieures, en échange, nous soutenons sa politique en Afrique et ailleurs”. Les accords de défense avec les anciennes colonies ont été renégociés, mais il n'est pas sûr que les clauses secrètes qui garantissaient aux régimes en place une aide militaire française en cas de soulèvement populaire ou de rébellion armée soient abrogées. Sarkozy s'est réconcilié avec tous ses pairs de la françafrique, même avec le président du Rwanda. Il n'y a plus qu'avec le régime du président ivoirien Laurent Gbagbo que les choses sont restées compliquées. Cinquante ans après, la France n'a toujours pas dépassionnée ses relations avec l'Afrique. Et la Françafrique est toujours en vigueur en 2010. “On ne va pas se brouiller avec ceux qui nous rendent de grands services”, a dit le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant. On est loin du discours de Barack Obama à Accra le 11 août 2009 : “L'Afrique n'a pas besoin d'hommes forts, mais de fortes institutions.” Le président américain s'en tient à son principe. Son sous-secrétaire d'Etat aux affaires africaines a procédé, au mois d'avril devant le Sénat de son pays, à un vrai procès de la gouvernance en Afrique. Tandis que Paris s'adosse aux autocrates qu'il alimente, Washington, plus pragmatique, regarde l'avenir, tenant compte des aspirations à la démocratie des populations africaines. À la satisfaction de Sarkozy qui voit se rassembler autour de lui ses pairs de françafrique.