Pendant la Guerre d'Algérie, des centaines de poèmes étaient déclamés par les femmes kabyles qui prenaient part à la Révolution à leur façon. Ces poèmes sont de précieux témoignages de ce que fut la Guerre d'Algérie. Afin qu'ils ne tombent pas dans l'oubli, Ramdane Lasheb les a réunis dans un livre qui vient de paraître à Tizi Ouzou dans une très belle édition. «En Kabylie, il n'y a pas un seul village qui n'ait pas connu les souffrances de la guerre et de la domination coloniale... Et on rencontre dans tout village des hommes et des femmes qui vous diront l'histoire locale, les événements qui ont eu lieu à telle ou à telle date mais aussi les isefra n lgirra (les poèmes de guerre). Ces derniers sont essentiellement composés par des femmes», précise Saïd Chemakh dans sa préface. Ramdane Lasheb est enseignant de langue amazighe et auteur d'un autre ouvrage intitulé: Zik-nni deg At Dwala (Les Ath Douala d'antan). La poésie de guerre existe encore mais elle n'a pas fait l'objet d'un recueil exhaustif, à l'exception de Chant de guerre de P.Reesink, publié par le fichier de documentation berbère sous le numéro 122 en 1974. Il y a eu aussi la recherche réalisée par M.Benbrahim sur la poésie nationaliste. «En relisant les poèmes recueillis par Ramdane Lasheb, ce n'est pas seulement la guerre qu'on redécouvre mais la société kabyle sous le joug colonial», ajoute Saïd Chemakh qui indique que la violence véhiculée par le verbe n'a d'égale que la violence subie depuis près d'un siècle. Le recueil en question composé de chants féminins de la guerre de Libération nationale est conçu à partir d'une série d'entretiens, de collectes et d'investigations. Ces chants sont collectés exclusivement dans un espace géographique limité au seul village Tala Khellil, dans la commune d'Ath Douala. «J'ai volontairement limité la collecte à ce village pour mieux montrer la fonction historique de cette poésie: l'apport de celle-ci pour l'écriture des événements», explique l'auteur Ramdane Lasheb.