«Cette distinction n'a rien à voir avec la réalité du terrain», selon Ali Yahia Abdenour. «La réalité du terrain ressemble-t-elle aux expressions des Etats?», s'est demandé Maître Ali Yahia Abdenour, à propos de la désignation de l'Algérie, capitale d'exécution des décisions de justice pour l'année 2011. Joint hier par L'Expression, le plus vieux défenseur des droits de l'homme en Algérie, n'est pas allé avec le dos de la cuillère pour exprimer son étonnement quant à cette distinction qui selon lui, n'a rien à voir avec ce qui se passe dans la réalité. «Ça relève du pur mensonge», dit-il. D'emblée, le même interlocuteur estime qu'en Algérie, «il y a beaucoup de décisions de justice qui ne sont pas appliquées». Se voulant plus explicite, Maître Ali Yahia a estimé que durant la tragédie nationale, il y a eu beaucoup de fonctionnaires et d'ouvriers qui ont été révoqués de leurs postes d'emploi suite à leurs positions exprimées vis-à-vis des pouvoirs en place, mais la justice a toutefois ordonné leur réintégration dans leurs fonctions, «ce qui n'a pas été appliqué par les pouvoirs publics pour la majorité d'entre eux», enchaîne-t-il. Pour mieux appuyer ses dires, le maître explique que la justice en Algérie demeure encore attachée au pouvoir exécutif, de ce fait, dira t-il, «il est quasiment exclu de parler de l'application ou non des décisions tant que la justice n'est ni libre ni indépendante». L'exemple des événements du Printemps noir de 2001 en Kabylie, qui ont fait 126 morts, et dont certains commanditaires sont restés jusqu'à présent impunis, attestent bien de cette réalité amère qu'il faut accepter. Les participants à la Conférence scientifique arabe de Beyrouth (Liban), du 26 et 27 juillet dernier sur la problématique d'exécution des décisions de justice, avaient recommandé l'installation d'une commission arabe chargée de l'élaboration d'une loi «de référence pour l'exécution des décisions de justice» inspirée de la loi algérienne, rappelle-t-on. Chérif Mohamed et Ahmed Ali Salah, respectivement président de la Chambre nationale des huissiers, vice-président de l'Union internationale des huissiers, et directeur des affaires civiles et sceau de l'Etat, ont estimé, dimanche dernier, dans une conférence de presse tenue à Alger, que cette reconnaissance est due à la perfection du système judiciaire algérien en matière d'exécution des décisions de justice, notamment la nouvelle loi des procédures civiles et administratives ainsi que la loi régissant la profession d'huissier de justice. Mais le président d'honneur de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (Laddh), ne voit pas cette distinction du même angle. Il estime qu'«elle n'a rien de crédible». En effet, ces instances régionales et mondiales, initiatrices de cette distinction, à l'instar de l'Organisation du droit continental, le Conseil permanent de l'Union internationale des officiers d'exécution, le Forum arabe sur l'exécution des décisions de justice et la Conférence de l'Union africaine des huissiers indépendants sont aux yeux de Maître Ali Yahia Abdenour «de pseudos-institutions qui n'ont aucune utilité, du moment qu'elles sont directement attachées aux pouvoirs centraux de leurs pays». Enfin, poussant le bouchon plus loin, le même orateur s'en est pris aux chefs et dirigeants d'Etat arabes, les accusant d'être derrière la création de ce qu'il qualifie de «syndicats des Etats». Selon lui, «leur seul souci est de sauvegarder leurs propres intérêts, pas ceux des populations».