Il n'y a aucun passage dans la circulaire qui interdit la circulation des chercheurs et enseignants, selon le ministre. C'est le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique en personne, qui vient de sortir de son mutisme pour répondre aux enseignants et chercheurs universitaires. «Vous êtes libres de circuler et voyager», a lancé hier, Rachid Harraoubia en direction des enseignants qui dénoncent une restriction dans la liberté de prendre part aux colloques et rencontres internationaux par le ministère de tutelle. Lors d'une conférence de presse organisée au siège de son département, Harraoubia a tenu à apporter quelques explications de taille. D'emblée, il estime qu'«il n'y a aucun passage dans la circulaire qui restreint ou bloque la liberté de circulation des chercheurs et enseignants algériens». Toutefois, le même orateur estime que «ce qui est demandé aux enseignants, c'est de déposer une demande d'absence auprès de leur administration au sein de l'université». Et d'argumenter aussi que cela est une manière de procéder qui est appliquée dans toute administration. D'après le ministre, il se trouve que des enseignants quittent le pays afin de participer à une rencontre internationale, et se trouvent en fin de compte pour des raisons autres, sans pour autant donner plus d'explications. Ce qui est important aussi à relever, c'est que le ministre parle de rencontres qui peuvent aller à l'encontre des intérêts de l'Algérie. «Il y a un enjeu beaucoup plus que scientifique», estime Harraoubia. Selon lui, et sans donner de détail, une trentaine d'enseignants et chercheurs se sont retrouvés impliqués dans un problème, faute d'émargement. D'où «une coopération entre le Mesrs et les universités est nécessaire», ajoute Harraoubia. Le seul perdant demeure sans doute l'étudiant qui va se retrouver en situation de manque par rapport au programme. «Il n'est plus question de mettre en péril l'intérêt de nos étudiants», a tranché M.Rachid Harraoubia. Dans une circulaire en date du 18 mai 2010, rappelle-t-on, le secrétaire général du Mesrs a ordonné aux chefs des établissements d'enseignement supérieur et de la recherche d'informer le ministère sur «les cas de participation à des manifestations pouvant revêtir un caractère sensible afin de se prononcer sur l'opportunité et d'organiser la concertation avec le ministère des Affaires étrangères». Cette circulaire a soulevé un grand tollé en milieu universitaire, tant à l'intérieur, qu'à l'extérieur. Des enseignants et chercheurs ont dénoncé avec force la restriction et le verrouillage des libertés académiques. Chercheur en biologie moléculaire à l'Usthb (Alger) et syndicaliste, Farid Cherbal l'a qualifiée «d'une police de pensée». Par une pétition, de pas moins de 250 universitaires algériens, dont l'ancien ministre de l'Enseignement supérieur, Ahmed Djebbar, se sont mobilisés pour faire échec à ce qu'ils qualifient de «tentative de contrôler le contenu des travaux de recherche et de la pensée libre au sein de l'Université algérienne». Le 15 juillet dernier, une délégation composée de quatre universitaires a remis, au nom des pétitionnaires, le texte de pétition au ministre de tutelle. A l'étranger, deux importantes associations de chercheurs et universitaires d'Europe et d'Amérique du Nord ont exprimé leurs vives inquiétudes. Il s'agit de World Congress for Middle Eastern Studies (Wocmes) et Middle East Studies Association of North America (Mesa). Elles ont adressé deux lettres au Président Abdelaziz Bouteflika et au ministre de l'Enseignement supérieur, dans lesquelles elles font part de leurs vives inquiétudes quant aux conséquences des mesures contenues dans la circulaire ministérielle. Par ses déclarations faites hier, le ministre a donc tranché définitivement concernant cette circulaire qui restera en vigueur malgré les vives tensions qu'elle a soulevées.