Après le succès du film Vivantes (2008), inspiré d'un fait réel survenu à Hassi Messaoud le 13 juillet 2001, où des femmes ont été violentées, agressées puis lynchées par des hommes chauffés à blanc par un imam, le réalisateur et critique de cinéma Saïd Ould Khelifa revient avec une nouvelle production cinématographique «algéro-algérienne» intitulée simplement Zabana, notre chahid national. En pleine phase de préparation, notamment sur le plan casting qui se fait à travers toutes les wilayas, le réalisateur évoque avec nous les raisons d'un tel long métrage dont la sortie coïncidera avec la célébration du cinquantième anniversaire de notre Indépendance, soit en l'an 2012... L'Expression: Vous êtes en pleine préparation d'un nouveau film portant sur le martyr Zabana, pourriez-vous nous en dire plus? Saïd Ould Khelifa: Le film s'apelle Zabana, tout court. Le choix d'un sujet est très subjectif. Au départ, il y a le déclencheur, la part de nécessité et après il y a un concours de circonstances. Ça devient comme une pelote de laine et puis on voit si l'idée va tenir la route. Quand elle tient la route, on essaie de s'y accrocher et puis d'intéresser le maximum de personnes successibles de faire partie de l'aventure. Il se trouve que le personnage, je l'ai découvert d'une certaine façon, et j'ai vu qu'il correspondait au portrait type d'une génération qui avait 20 ans dans les années 1950 et puis qui a décidé de mettre le holà et de se dire: «Stop, la situation a trop duré». Le 8 Mai 1945 était déjà passé par là avec son lot de massacres et de promesses non tenues. Je pense aussi qu'il est temps d'aborder cette période de notre histoire sous l'angle individuel. Car, derrière cette grande épopée il y a des individus, des jeunes gens, filles et garçons, et Zabana correspond vraiment à cette génération. Il avait sa notion de la liberté et de l'indépendance d'un côté et d'un autre il aimait aussi bien le cinéma que le football. Les films historiques ont la cote en ce moment, comme un phénomène de mode. Votre film répond à un choix personnel ou est-ce une commande du ministère de la Culture ou celui des Moudjahidine? Je ne pense pas qu'un ministère peut commander un tel travail. Il peut supporter, soutenir. En tout cas, pas à ma connaissance. La mode si on la suit, on est dépassé. Car entre le moment où on est dans cette mode et le moment où le film est terminé, il n'est plus d'actualité. Ce qui reste de cette actualité est l'envie de faire des films et du cinéma. Comment se passe en ce moment les préparatifs concrètement? On croit savoir que vous êtes en plein casting... Le casting n'est qu'un volet des préparatifs. Ces derniers ont commencé il y a pratiquement trois mois. Là on rentre dans la ligne droite, c'est-à-dire la construction des décors qui sont énormes. La production construit pratiquement un véritable studio. L'intérieur de la prison de Serkadji va être reconstitué dans un hangar à Sétif. La wilaya de Sétif apporte un soutien considérable. On a vu que l'opportunité nous a été donnée de travailler dans des conditions professionnelles. C'est- à-dire ne pas se soucier de la météo et d'avoir un véritable studio dans lequel on pourrait passer toute la nuit sans être dérangé. Sans contrainte de temps, et puis, en dehors de ce grand décor, il y a la construction de la cour de la prison. Celle-ci n'est pas seulement une plateforme, il faut aussi des murs assez hauts...Cette dernière étape de la préparation va durer trois mois. Côté financement, j'imagine que vous avez l'apport du Fdatic; qu'en est-il de la partie production? Nous avons déposé un dossier au Fdatic au bout de la huitième version du scénario. Nous avons eu la réponse positive du ministère de la Culture. Le film pour le moment nous coûte que ce que la production dépense. On ne peut pas évaluer le coût tant que le film n'est pas fini. Il faut noter aussi que le film est une production «algéro-algérienne». C'est si rare.. J'espère que ce n'est pas si rare, mais si c'est le cas et bien j'espère que cela donnera des idées à d'autres. Du moment que nous avons trouvé un soutien d'un peu partout, du ministère des Moudjahidine, du ministère de la Culture, la commission de lecture de la télévision a également donné un avis favorable très encourageant. Nous sommes dans l'attente d'apport de participation de sponsors. Un montage financier doit être au service du film. On ne peut pas faire une coproduction pour la coproduction. Rien m'empêchera le film de faire sa vie un peu partout. Le but est de faire un bon film, dans le fond et dans la forme. Mais il n'y aura jamais assez d'argent. On le fera avec l'argent qu'on obtiendra. Faire une coproduction pour dire que nous avons des partenaires, ce n'est pas forcément le but du jeu. Le but c'est de faire le film. Vu l'aide octroyée au cinéma en Algérie au temps des vaches maigres et le manque de mécénat, cela risque de tarder... Si cela tarde ce n'est pas le problème de la coproduction. Cela se passe partout, les retards. En France aussi, il y a des films dont le tournage est reporté, j'en parle en connaissance de cause. Il suffit que le budget de l'année soit épuisé pour qu'on reporte à la fin de l'année prochaine. Nous espérons être à l'heure dans la mesure où au dernier Conseil des ministres où il a été question de cinéma, il a été très clair, le cinéma peut être soutenu, mais cela n'empêche pas qu'il doit être une affaire de producteurs. Justement, êtes-vous optimiste quant à ces nouvelles mesures prises en Conseil des ministres en faveur du 7e art en Algérie? La dépêche de l'APS se référant à ce Conseil des ministres est très claire. Il y a d'un côté le soutien à toute l'industrie cinématographique, que j'espère verra le jour, mais en attendant, la production sera soutenue. Et de l'autre côté, les films qui aborderont l'histoire de l'Algérie bénéficieront d'un soutien particulier. Et ça je pense qu'il était temps parce que 2012, le cinquantième anniversaire de notre Indépendance, concerne aussi j'allais dire le camp adverse, je veux dire le camp en face, c'est-à-dire la France et bien évidemment nous. Il y a une série de projets que France Télévisions est en train de préparer pour 2012. Nous, on est dans ce cadre de la célébration de notre cinquantenaire d'Indépendance et même j'allais dire, nous sommes prioritaires. L'important est de faire des films, en se disant, on en fait car on en a envie. Pas, parce que c'est 2012. Nous, nous n'avons pas calculé. Zabana je vous disais que nous sommes à la huitième version, je pense qu'on sera prêt et qu'on sera mûr pour être à l'écran en 2012. Pourquoi huit versions du même scénario? Est-ce qu'il n'a pas été au goût du ministère de la Culture? Non. Le scénario avant d'être déposé au Fdatic ou à la télévision, doit être revu par la production. Il faut que le producteur et les auteurs soient d'accord sur le même film. Le producteur n'est pas là pour financer des images. Je pense qu'il est là pour financer un film. Il faut que le film corresponde aussi à ses attentes. Cela ne veut pas dire revoir la copie à chaque fois.Ce sont plutôt des discussions tout à fait normales. Travailler le scénario se fera même pendant le tournage. Les décors vont aussi influencer le scénario. Il y a des scènes qui vont naître et d'autres vont disparaître. C'est un travail qui se fait en commun accord avec la production. Comme cela, on n'aura pas de mauvaises surprises, en se disant «ah! il n'y a plus d'argent!» parce qu'on a inventé des choses ou on a fait des séquences qui ne serviraient pas au film.