On conserve les olives, le piment, on sèche la tomate, le poivron, l'ail et on congèle les petits pois et les haricots. La flambée des prix qui marque les produits alimentaires en cette période de jeûne, conjuguée à un pouvoir d'achat laminé, a contraint les ménages algériens à puiser dans leur imagination pour préserver leurs porte-monnaie. Comment font alors les familles durant cette période hautement dépensière? «Les petits pois à 200 DA! J'en ai congelé près de 15 kg que je consommerai durant ce mois de Ramadhan», a confié, non sans fierté, Hadja Zhour à sa compagne, en remarquant le prix affiché sur les étals du marché de Bachdjerrah. «Je savais que les prix allaient flamber et j'ai anticipé» ajoute cette ménagère sans cacher son plaisir d'avoir contourné cette flambée des prix. Les petits pois qui se vendaient au moment de la cueillette au printemps à 15 DA ravissent la vedette à la banane à l'approche du mois de Ramadhan. De son côté, Fatima, une sexagénaire, raconte avoir garni son congélateur avec pas moins de 6 kg d'haricots verts. «Si je les ai payés à 30 DA le kg, en revanche elles caracolent actuellement à 120 DA en cette période de jeûne», indique-t-elle avec autant d'orgueil elle aussi. Cela ne peut en être autrement puisqu'elle échappe ainsi à la flambée du prix de ce produit pour tout le Ramadhan. Sans attendre les mesures du gouvernement pour juguler la flambée des prix durant le Ramadhan, sans attendre l'importation de la viande d'Inde ou de poulet, les Algériens, confrontés à l'envolée des prix, ont recours à la débrouillardise et à leur imagination. Pour ainsi dire, ils optent pour le système «D». «J'achète une dizaine de kilos de tomate à bas prix et ma femme la fait sécher et on en consomme sans avoir recours au concentré de tomate», indique Hamid, chauffeur de taxi à Alger. En effet, la conservation concerne également d'autres produits telle la tomate quand elle n'est pas gardée au frigo. D'autres font sécher d'autres aliments comme la viande. Les pruneaux secs et le blé vert séché et concassé font également partie des habitudes culinaires de ce mois. Certaines familles ont su garder les habitudes gastronomiques d'antan. On conserve aussi les olives, piments ainsi que multiples épices. Ces astuces traditionnelles et d'autres sont autant de moyens pour contourner la flambée insoutenable des prix. Toutefois, chaque année c'est la même histoire. Alors, il vaut mieux garder ces aliments en réserve pour les consommer pendant le Ramadhan que d'y subir l'inflation galopante. Certains profitent de la période de sursis donné sur le marché par le bouillonnement des prix pour s'approvisionner en quantité suffisante de légumes, à bon marché qu'ils congèlent ensuite. Achetés à bas prix, ces produits que l'on ressort en période de disette ne peuvent qu'atténuer les dépenses en cette période de jeûne. D'autant plus que le gouvernement s'avoue incapable de contrôler les marchés. Une augmentation des prix de denrées alimentaires tellement courante à cette période de l'année, qu'elle fait aujourd'hui autant partie du Ramadhan que la chorba traditionnelle de l'Iftar. Les consommateurs se plaignent en vain, chaque année de la spirale qui tire sans cesse les prix des viandes et des fruits et légumes vers le haut. Pour neutraliser l'inflation des denrées alimentaires pendant le Ramadhan, le gouvernement a tenté de réguler le marché, sans jamais y parvenir, en adoptant diverses mesures de contrôle. Malgré quelques efforts déployés, le contrôle et la régulation des marchés sont loin d'être maîtrisés. Comme d'habitude, la spéculation sur les produits de première nécessité devrait donc se poursuivre jusqu'à l'Aïd, la fête qui marque la fin du mois sacré du Ramadhan. «Je ne sais pas ce que je vais faire pour l'Aïd», s'inquiète Rabah Abdelmoumen. Ramadhan vient de commencer et je suis déjà endetté.