A l'intérieur du chapiteau, les nécessiteux trouvent le cadre familial dont ils sont privés au quotidien. «Je suis agréablement surpris par l'ambiance familiale qui règne en ce lieu», avoue Mohamed Salah Kahia, un homme de 35 ans, originaire de Sétif. Il vient de passer deux jours à Alger. Ce soir, il s'apprêtait à repartir dans la ville de Aïn El Fouara. Surtout, il voulait rentrer avant l'appel du muezzin pour la prière du crépuscule. Il lui tenait à coeur de rompre le jeûne parmi les siens. Peine perdue. A la gare routière du Caroubier, l'horaire de départ du bus est décalé. Salah doit attendre la tombée de la nuit pour pouvoir partir. Ses espoirs s'évanouissent. Sur les lieux, 18 voyageurs sont dans la même situation. Les minutes s'égrenant au rythme de l'angoisse qui agite leurs âmes. Le moment de la rupture du jeûne approche. Ces pauvres voyageurs ne savent pas à quel saint se vouer. Leurs espoirs accompagnent le soleil qui décline. Les agents de sécurité viennent de les faire sortir de l'intérieur de la gare. Ils sont aux abois. «Où vais-je rompre le jeûne?», se demande chacun d'eux. La faim consume leur corps et l'angoisse leurs coeurs. Soudain, un appel leur parvient comme l'écho d'un espoir qu'ils croyaient effiloché. Une personne leur fait des signes de la main. Il vient de descendre d'un bus. Kara Moulay est chauffeur au ministère de la Solidarité. Chaque jour et à la même heure, il vient chercher des voyageurs. Il les emmène dans un lieu où le dont de soi est érigé en étendard. «Vous êtes voyageurs?», leur demande-t-il. «Oui», répond l'un d'entre eux. Il les invite à monter dans le bus. Le chauffeur met le moteur en marche et commence alors une odyssée vers le monde merveilleux où la générosité fait loi... Nous sommes à Ben Aknoun, sur les hauteurs d'Alger. Le temps est brumeux. Le ciel s'est couvert de gros nuages. Des lames luisantes les transpercent de temps à autre. La nature gronde. Elle est en colère... L'hiver s'installe en plein été. Hamoud Boualem, un label de générosité Nous prenons la direction du Parc des loisirs, côté Village africain. A l'entrée, nous sommes accueillis par une banderole. «Hamoud Boualem vous souhaite la bienvenue», peut-on lire sur la bannière. A l'intérieur du parc est érigé un immense chapiteau. Il occupe 1500 m². A droite, nous apercevons des sanitaires et des tentes installées pour la prière. L'Entreprise Hamoud Boualem, le label de la limonaderie algérienne, a mis les moyens pour accueillir les nécessiteux en ce mois de jeûne. «Maïdat Ramadhan» du limonadier est un exemple lumineux de charité et...d'humilité. Nous pénétrons sous le chapiteau où nous sommes accueillis par Lyamine Lerari, secrétaire général de l'entreprise et directeur des approvisionnements. Affable et disponible à souhait, M.Lerari nous invite à nous installer. «Nous sommes une entreprise citoyenne», dit-il d'emblée. Ces propos résument toute la philosophie de l'initiative prônée par Hamoud Boualem. Elle consiste à offrir un cadre familial aux nécessiteux. Ce cadre dont ils sont privés au quotidien. Inédite, cette initiative sonne comme un appel aux groupes industriels de s'approcher de cette frange marginalisée de la société. «Nous ne sommes pas des donneurs de leçons, nous voulons juste que de telles initiatives se perpétuent. En ce sens, nous voulons faire des émules pour le bien des citoyens», précise M.Lerari. Pour réussir cette opération, Hamoud Boualem n'a pas lésiné sur les moyens. Un tour d'horizon dans l'immense salle d'accueil du chapiteau. L'intérieur est agréablement décoré. Des dizaines de tables de 8 ou 9 places sont disposées. La salle peut recevoir jusqu'à 750 personnes. Sur les murs sont accrochés huit écrans plats. Ils diffusent les programmes télévisuels. La sonorisation est finement travaillée. L'éclairage impeccable. Sur ce plan, l'entreprise privée Astalavista (celle qui a loué ce chapiteau à Hamoud Boualem) a fait preuve de professionnalisme. Les jeûneurs commencent à affluer... Ils sont accueillis avec des égards par les employés de l'entreprise. Des moments de partage inoubliables L'ambiance est conviviale. Les serveurs sillonnent la salle comme dans une ruche...Ils vont d'une table à l'autre. Ils sont une quarantaine de jeunes, des étudiants pour la plupart, qui travaillent dans le cadre de l'opération «Maïdat Ramadhan». Parmi ces serveurs, Tairi Iman, une jeune coordinatrice dans l'événementiel chez le limonadier, papillonne entre les tables. Son regard décline une âme tendre et sensible. «Nous servons jusqu'à 750 plats par jour», confie-t-elle sourire aux lèvres. En plus du service à l'intérieur de la salle, pas moins de 750 autres plats sont offerts à des personnes qui viennent les chercher. Il s'agit de nécessiteux, de travailleurs, de quelques familles et de....policiers. En effet, les policiers qui assurent la sécurité routière dans les environs du Parc des loisirs viennent s'assoupir sous le chapiteau. Le service restauration est géré par Hamid Bouloum. «Nous sommes en train de faire la mise en salle», explique M.Bouloum. De son oeil du lynx, il veille au bon déroulement de l'opération. Iman nous conduit à la cuisine érigée en arrière-plan de la salle. L'hygiène, le maître mot Elle ressemble à une véritable ruche. Ils sont trois cuisiniers, et quatre commis de cuisine à préparer le menu du jour. Le tout est supervisé par le chef cuisinier Mohamed Beroudji. «Pour aujourd'hui, vous aurez droit à de la chorba, un ragout de pomme de terre avec de la viande bovine, une salade variée et des boissons Hamoud Boualem», annonce M.Beroudji, la tête coiffée d'une toque, tablier d'un blanc immaculé et chaussures réglementaires de cuisinier. La propreté est une règle immuable de «Maïdat Ramadhan». Cela reflète la rigueur qui caractérise l'entreprise Hamoud Boualem. Pour preuve, M.Beroudji nous montre un plat témoin conservé pour le contrôle d'hygiène quotidien. «L'équipe de contrôle passe chaque matin. Il passe tout au peigne fin», révèle Iman. Plats servis, ustensiles, jus, fruits et légumes, tout passe sous l'oeil attentif des contrôleurs. «Cette équipe est constituée de nos experts et des représentants du service d'hygiène de l'APC de Hydra», explique M.Lerari. Les employés mettent du coeur à l'oeuvrage. Ils veulent offrir le meilleur d'eux-mêmes pour servir les nécessiteux. Mme Souad, une cuisinière, a les larmes aux yeux. «Cet élan du coeur nous réconcilie avec nos traditions de solidarité», affirme-t-elle. Le moment de la rupture du jeûne approche. La salle d'accueil est archicomble. La plupart des tables sont occupées. Sur les écrans est diffusée la récitation des versets du Coran. Dehors, une pluie torrentielle s'abat, mais, à l'intérieur du chapeau règne une ambiance bon enfant. «Je me sens vraiment à l'aise en ces lieux», confirme une jeune fille, venue en compagnie de sa mère. Cette dernière abonde dans le même sens. «Nous retrouvons ici le cadre familial qui nous manque tant», affirme-t-elle. Ces propos nous renseignent sur l'importance que revêt l'initiative de Hamoud Boualem pour les nécessiteux. L'appel à la prière fuse. Les présents avalent leur première cuillère de chorba dans la convivialité. L'opération «Maïdat Ramadhan» est une leçon de solidarité. En plus du groupe Hamoud Boualem, elle a mobilisé l'APC de Hydra et le ministère de la Solidarité. Hamoud Boualem est vraiment «l'entreprise de la famille».