Les transferts de compétences de l'Etat fédéral vers les régions et les droits linguistiques au coeur des différends. En pleine présidence de l'UE, la Belgique se retrouve plus divisée que jamais après l'échec d'une tentative de formation de gouvernement, dernier épisode d'une crise politique profonde entre francophones et néerlandophones qui dure depuis déjà plus de trois ans. «Et maintenant que fait-on?»: l'interrogation s'étalait hier en première page de plusieurs journaux, les solutions s'amenuisant dangereusement. Le quotidien francophone Le Soir voit le pays à genoux du fait de l'intransigeance des indépendantistes flamands de la N-VA, premier parti de Flandre depuis les élections législatives du 13 juin. Ce dernier a refusé vendredi une ultime proposition de compromis sur l'avenir institutionnel et financier du royaume. Le chef de file des socialistes francophones, Elio Di Rupo, pressenti pour devenir Premier ministre, a du coup jeté l'éponge en exprimant avec inquiétude l'espoir «que nous pourrons continuer à vivre ensemble en paix». Après presque trois mois de tractations, il a échoué à sceller un accord de coalitions entre formations francophones et néerlandophones, condamnées à gouverner ensemble le pays de 10 millions d'habitants. Les premières avaient pourtant fait des concessions. Elles avaient accepté des transferts importants de compétences de l'Etat fédéral vers les régions, pour satisfaire les demandes d'autonomie accrue des néerlandophones, et étaient prêtes à renoncer à certains droits linguistiques spéciaux en Flandre, une question au coeur du conflit. Mais en échange, ils demandaient la garantie de subventions supplémentaires pérennes pour Bruxelles, très majoritairement francophone et lourdement endettée. La N-VA a refusé un tel chèque en blanc. Le roi Albert II, qui hérite du dossier, a dû mener des consultations au cours du week-end avant sans doute de confier à un nouveau responsable politique le soin de renouer les fils du dialogue. Logiquement, il devrait se tourner cette fois vers un néerlandophone, peut-être le président de la N-VA, Bart de Wever, rendu par beaucoup responsable de l'impasse. Ce dernier, à la tête d'un parti de droite, pourrait chercher à inclure dans la négociation les partis libéraux car il trouve la coalition envisagée jusqu'ici, avec une forte représentation des socialistes et écologistes, trop à gauche. Aux contentieux entre communautés flamande et francophone s'ajoutent en effet des querelles idéologiques traditionnelles. Elles ont été aiguisées par le résultat des élections anticipées de juin qui ont acté la partition politique d'un pays divisé aussi entre une Flandre très majoritairement à droite et une Wallonie où les socialistes l'ont nettement emporté. La Belgique est un pays difficile, il faut allier une partie du pays qui vote à gauche et une autre à droite, a relevé Bart de Wever. Si au bout du compte un gouvernement ne peut être formé, la Belgique devra retourner aux urnes, comme en juin où déjà le scrutin avait été convoqué face à l'incapacité des deux communautés à s'entendre. Avec un risque de radicalisation accrue de l'électorat flamand. Depuis juin 2007, le pays n'a en fait jamais vraiment connu la stabilité politique. Il reste pour l'heure gouverné par une équipe chargée de gérer les affaires courantes alors même que le pays doit tenir les rênes de l'Europe jusque fin décembre. Un haut responsable du Parti socialiste francophone, Philippe Moureaux, a brisé un tabou cette semaine en évoquant la scission du pays. «On est jusqu'à présent dans un processus de délitement de l'Etat. On va peut-être entrer dans l'organisation progressive de la séparation», a-t-il dit.