Les élections législatives anticipées d'aujourd'hui s'annoncent décisives pour l'avenir de la Belgique avec un succès attendu des indépendantistes en Flandre qui risque d'aggraver la crise politique. Les sondages ont tous pronostiqué une forte percée en Flandre, la région néerlandophone du nord du pays, de la N-VA, la Nouvelle alliance flamande, créditée de 24 à 26% des suffrages. Le taux d'indécis est cependant très élevé. De plus, un grand nombre de Belges se disent lassés des querelles byzantines entre partis. L'abstention pourrait donc largement dépasser les 10%, alors que le vote est obligatoire en Belgique. A 39 ans, Bart De Wever, le président de la N-VA, est depuis peu l'homme politique le plus populaire de Flandre, où vivent 60% des 10,5 millions de Belges. Fustigeant avec des accents populistes l'incurie des partis francophones et flamands traditionnels, incapables selon lui de régler leurs différends et de gérer correctement la Belgique, Bart De Wever prône l'évolution du royaume vers un modèle «confédéral». Selon son programme, la Flandre et la Wallonie devraient être entièrement autonomes en matière économique et signeraient ensuite au cas par cas des accords de coopération, par exemple en matière de défense. A terme, prophétise Bart De Wever, la Belgique est vouée à «s'évaporer». «Avec 26 ou 27% en Flandre, la N-VA serait le premier parti au Parlement belge» et «vu son programme, cela rendra très compliquée» la formation d'un nouveau gouvernement, qui doit obligatoirement comprendre des partis flamands et francophones, souligne le politologue Pierre Vercauteren. D'autant que le parti d'extrême droite Vlaams Belang, bien qu'en perte de vitesse, devrait encore séduire au moins 10% des électeurs flamands. Si l'on ajoute les quelque 5% que devrait faire la Liste Dedecker (populiste), les partis prônant l'indépendance de la Flandre devraient représenter 40% de l'électorat flamand. Du côté des partis traditionnels, le parti chrétien-démocrate CD&V n'est pointé qu'à environ 19%. Il paie la piètre gestion du Premier ministre sortant Yves Leterme, qui en est membre, depuis trois ans. Toujours en Flandre, les socialistes (opposition) et les libéraux devraient se situer encore plus bas. Avec cet émiettement des voix, la mise en place d'une nouvelle coalition gouvernementale risque de prendre des mois. Résultat: la Belgique va entamer en juillet sa présidence semestrielle de l'UE avec un cabinet gérant les affaires courantes et la presse s'inquiète de possibles attaques des spéculateurs contre le pays. La percée des indépendantistes flamands pourrait paradoxalement ouvrir la voie à la désignation d'un Premier ministre francophone, une première depuis les années 1970. Le favori est le socialiste wallon Elio Di Rupo, 58 ans, qui devrait devancer en Wallonie le libéral Didier Reynders. Bart de Wever n'est en effet pas candidat. Et si l'on fait exception des partis indépendantistes ou extrémistes, les socialistes pourraient émerger du scrutin comme la plus forte famille politique du pays parmi les modérés. En outre, les partis flamands traditionnels, après s'être cassés les dents plusieurs fois, sont à présent tentés de laisser les rênes aux francophones pour trouver une solution à la crise qui secoue le pays. Il s'agit d'une part de régler des querelles linguistiques, mais surtout d'accorder une autonomie renforcée à la Flandre, comme elle le demande, sans vider complètement de sa substance l'Etat fédéral, ce qui aux yeux des francophones mènerait le pays à la scission.