Production prévisionnelle de plus de 1,8 million de litres d'huile d'olive    L'importance de la numérisation du domaine notarial soulignée    Les impacts des tensions géostratégiques au Moyen-Orient Iran/Israël et les facteurs déterminants du cours des hydrocarbures    Plus de 1.4 million de personnes déplacées    Prison ferme pour un homme qui avait menacé d'incendier des mosquées    «L'Occident cherche l'escalade» selon Sergueï Lavrov    US Biskra : Séparation à l'amiable avec l'entraîneur Zeghdoud    Le MCA goûte sa première défaite, le CSC en tête    Ligue 2 amateur (Centre-Ouest) : Chaude empoignade entre El Biar et Kouba    Importante caravane de solidarité en faveur des enfants nécessiteux et des personnes âgées    Réhabilitation du réseau d'éclairage public à la cité    1 kg de kif traité saisi, 01 suspect arrêté    Action en justice contre Kamel Daoud    La 4e édition du 25 au 29 novembre à Alger    Plus de 4 millions de visiteurs    Ligue 1 Mobilis: le MCO rate le coche face à l'USMK (0-0)    Réunion OPEP-Russie : l'importance de la stabilité des marchés pétroliers et énergétiques soulignée    CPI : les mandats d'arrêt à l'encontre des responsables sionistes sont "contraignants"    CAN-2025 U20 (Zone UNAF) 4e journée (Tunisie-Algérie) : victoire impérative pour les "Verts"    Sansal, le pantin du révisionnisme anti-algérien    Jeux Africains militaires–2024 : l'équipe nationale algérienne en finale    Ghaza : 25 Palestiniens tombés en martyrs dans des frappes de l'armée sioniste    Startups : Les mécanismes de financement devraient être diversifiés    Organisation du 20e Salon international des Travaux publics du 24 au 27 novembre    La Révolution du 1er novembre, un long processus de luttes et de sacrifices    70e anniversaire du déclenchement de la Révolution : la générale du spectacle "Tahaggart ... l'Epopée des sables" présentée à Alger    Nécessité de renforcer la coopération entre les Etats membres et d'intensifier le soutien pour atteindre les objectifs    Accidents de la circulation en zones urbaines: 11 morts et 418 blessés en une semaine    Le Conseil de la nation prend part à Montréal à la 70e session de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN    Le ministre de la Santé met en avant les progrès accomplis par l'Algérie dans la lutte contre la résistance aux antimicrobiens    Le Général d'Armée Chanegriha préside la cérémonie d'installation officielle du Commandant de la 3ème Région militaire    Khenchela: 175 foyers de la commune d'El Mahmal raccordés au réseau du gaz naturel    Palestine: des dizaines de colons sionistes prennent d'assaut l'esplanade de la mosquée Al-Aqsa    Les ministres nommés ont pris leurs fonctions    «Dynamiser les investissements pour un développement global»    Le point de départ d'une nouvelle étape    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



«Il a le mérite de faire entendre un point de vue nouveau»
BENJAMIN STORA À PROPOS DU FILM
Publié dans L'Expression le 23 - 09 - 2010

Hors-la-loi de Rachid Bouchareb vient de sortir en France. L'occasion de donner la parole à un historien afin de nous éclairer par une analyse objective quant au film qui a défrayé la chronique et qui ne prétend pas pourtant, selon son réalisateur, être un film «historique», mais juste du cinéma...
L'Expression: La sortie en France du film Hors-la-loi est compromise car le collectif des pieds-noirs français, «Une main devant, une main derrière» appelle à inonder de boules puantes chaque salle où sera projeté le film. Cela vous inspire-t-il quoi?
Benjamin Stora: C'est un type de comportement archaïque, qui n'accepte toujours pas un fait accompli: l'Indépendance de l'Algérie. Ces groupes ne veulent pas affronter le passé colonial, et ne se reconnaissent aucune responsabilité dans cette histoire tragique. Mais nous ne sommes plus au temps où ces mêmes personnes pouvaient faire interdire en salle, par leurs actions, un film comme La Bataille d'Alger de Gillo Pontecorvo, dans les années 1960-1970. Le temps passe. D'autres groupes de mémoire apparaissent, en particulier les descendants de l'immigration algérienne en France, y compris des enfants de pieds-noirs et de harkis, qui refusent cette vision de l'histoire.
Comment expliquez-vous tout ce bruit autour du film et cette réaction du député de l'UMP sans avoir vu le film?
Il s'agit de survivances de préjugés, d'une mentalité, de représentations qui veulent poursuivre une guerre de mémoire, comme si le temps colonial était encore là, fonctionnant dans le présent. Dans le fond, ces personnes n'acceptent pas la pluralité, n'entendent pas le point de vue de l'autre, de l'ancien colonisé qui s'est révolté.
Avez-vous vu le film et qu'en pensez-vous?
Hors-la-loi a suscité une première polémique très idéologique. Depuis, les choses se sont décantées: des historiens ont pu visionner le film de Bouchareb. Ils ont constaté à quel point cette oeuvre remet en pleine lumière certaines zones d'ombre du passé français et, au travers de l'évocation des massacres de Sétif, apporte un correctif à l'un des principaux domaines d'exercice de l'amnésie. Une amnésie qui s'explique, en partie, par le fait que la plupart des fictions françaises traitant de la Guerre d'Algérie se concentrent sur la séquence 1954-1962, mais délaissent les premiers événements et massacres, antérieurs à cette séquence. L'autre trou de mémoire que comble Hors-la-loi concerne la présence de l'immigration algérienne en France. Jusqu'ici, seuls quelques films de fiction l'ont évoquée: Elise ou la vraie vie, le beau film de Michel Drach (1969); Les Sacrifiés, d'Okacha Touita en 1982, Vivre au paradis, un film de Boualem Guerdjou (1997), avec, notamment, Roschdy Zem et, enfin, Nuit noire, d'Alain Tasma, en 2004, consacré à la nuit du 17 octobre 1961 et à sa répression sanglante. Mais en dépit des clarifications auxquelles il procède, le film de Rachid Bouchareb relègue dans l'ombre une quantité impressionnante de faits. Quand il évoque les massacres de Sétif, en 1945, on aurait pu s'attendre à ce que la vraie durée des massacres (plusieurs semaines) nous soit restituée avec leur localisation véritable (Guelma, Kherrata et non pas seulement Sétif).
Le choix de la contraction mythologique dans une unité de temps de vingt-quatre heures est parfaitement adapté aux exigences du cinéma, mais il sert aussi l'impératif de sensationnalisme. Même remarque concernant l'évocation de la trajectoire des «porteurs de valise», les militants de la gauche française qui ont aidé le FLN: pour l'un (ou, comme dans le film, l'une) d'entre eux qu'animaient des sentiments amoureux, l'immense majorité de ces porteurs de valise avaient un agenda essentiellement politique, idéologique, et ils ont fait sévèrement abstraction d'eux-mêmes.
Autre scène, autre concession à la part mythologique de la réalité: lorsque Bouchareb montre Samy Bouadjila dans l'usine, il imagine, en une scène improbable pour une situation d'hostilité et de violences policières, que celui-ci bat publiquement le rappel pour le FLN! Cette organisation agissait dans un cadre strictement clandestin, et on imagine très mal une telle séquence... L'évocation de la guerre ouverte entre le FLN et le mouvement indépendantiste rival, le MNA de Messali Hadj, n'est, quant à elle, guère plus convaincante: si on tuait un militant, ce n'était pas pour lui voler son frigidaire...La violence du FLN contre les policiers français est également problématique: le FLN n'a porté la guerre officiellement qu'une seule fois sur le territoire français, en août 1958, avant de se raviser, en songeant à l'effet d'engrenage dramatique d'une telle stratégie. Cette héroïsation a comme autre inconvénient de plonger dans l'invisibilité cette autre France, habitée d'anticolonialistes, auxquels les nationalistes algériens de l'époque vouaient une gratitude lucide (je pense aux réseaux Jeanson ou Curiel).
Moult erreurs liées à l'histoire ont été soulevées dans le film. Quel regard portez-vous sur cette polémique en tant qu'historien?
La distorsion discrète de la vérité historique a beau répondre à un impératif de cinéma spectaculaire, à mi-chemin entre western et film policier d'action, elle noie la complexité des situations politiques dans la contemplation sidérée d'une violence pure. Mais cette critique à caractère historique, qui est sévère, je le concède, ne doit pas nous empêcher de voir que Hors-la-loi a le mérite de faire entendre un point de vue nouveau, différent, celui de l'ancien colonisé ou de l'immigré; qu'il tente d'établir une généalogie de la violence coloniale en évoquant la dépossession des terres et la misère paysanne (mais Mohammed-Lakhdar Hamina avait déjà formidablement bien montré ce processus dans Chronique des années de braise, en 1975); et qu'il installe dans son ancienneté l'immigration ouvrière algérienne en France.
Benjamin Stora est professeur des universités à Paris XIII et à l'Inalco.
A paraître: Lettres et carnets des Français et des Algériens, dans la guerre, éd Les Arènes; François Mitterrand et la guerre d'Algérie (1954-1957), ed Calmann Levy.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.