Boycott ou participation? A deux mois des élections législatives, l'opposition égyptienne se divise entre ceux qui refusent de cautionner un scrutin «truqué» et ceux qui veulent se présenter pour défendre coûte que coûte la «volonté populaire». Ces stratégies sont représentées par Mohamed El Baradei, opposant en vue, mais à l'audience récente, pour le boycott, et les Frères musulmans, le plus important mouvement organisé hostile au pouvoir, qui penchent pour une participation. Les adeptes du boycott dénoncent un scrutin «truqué» d'avance pour préserver la domination écrasante du Parti national démocratique (PND) du président Hosni Moubarak. Les partisans de la participation, sans illusion sur le résultat final, veulent malgré tout faire entendre la «volonté populaire», et préserver leur représentation parlementaire. Pour Ahmad Youssef Ahmad, directeur du Centre de recherches arabes du Caire, ces divisions affaiblissent encore une opposition déjà morcelée. «La division ostensible de l'opposition sur la participation ou le boycott traduit un affaiblissement de son efficacité, qui atteint un niveau minimum», écrit-il dans le journal indépendant al-Chorouq. Ces législatives, dont le premier tour est prévu fin novembre, constituent un tour de chauffe avant l'élection présidentielle qui doit avoir lieu dans un an. Le président Hosni Moubarak, 82 ans, au pouvoir depuis près de trente ans, n'a pas fait savoir s'il briguerait un nouveau mandat. Son fils Gamal, 46 ans, est souvent cité comme possible successeur, mais il n'a pas dévoilé ses intentions. La décision officielle des Frères musulmans de présenter des candidats aux législatives n'a pas encore été officiellement annoncée, mais la volonté d'aller aux urnes est déjà manifeste. «La règle chez les Frères musulmans c'est la participation aux élections législatives et à toute élection», a déclaré Hamdi Hassan, porte-parole de leur bloc parlementaire. «Nous avons annoncé que nous boycotterions s'il y a une unanimité parmi les partis d'opposition sur ce boycott, or ce n'est pas le cas (...) la position des Frères musulmans c'est donc la participation», a-t-il ajouté. Le petit parti libéral al-Wafd vient en effet de décider de participer aux élections, à une courte majorité (57%) de son assemblée générale. Les Frères musulmans, officiellement interdits mais tolérés dans les faits, ont raflé un cinquième des sièges grâce à des candidats étiquetés comme indépendants, lors des législatives de 2005. Pour Moustafa Kamel el-Sayyed, professeur de sciences politiques à l'université du Caire, «les Frères ont un intérêt à long terme à participer, car cela leur permet de gagner des partisans, de diffuser leur pensée, et de consolider leur organisation». Mais dans l'ensemble, la division de l'opposition «aura pour résultat le maintien d'un faible taux de participation», estime-t-il. Cette participation n'avait été que de 25% environ en 2005. Mohamed El Baradei, partisan de réformes démocratiques, a quant à lui franchi un cap début septembre en appelant à un boycott électoral qui selon lui «ôterait toute légitimité au régime». M.El Baradei réclame notamment une révision constitutionnelle permettant aux indépendants comme lui de se présenter à l'élection présidentielle. Son appel n'a pour le moment été suivi que par le petit parti Al-Ghad, dont le fondateur Ayman Nour avait mené campagne contre le président Hosni Moubarak en 2005, et le Parti du front national, une autre petite formation. D'autres petites formations politiques comme le parti Tagamouaâ (gauche) ou le parti Nassérien n'ont pas encore annoncé leur position.