Le matériel du Caaic, représentant l'essentiel du patrimoine du cinéma algérien depuis 40 ans, vient d'obtenir un nouveau sursis. En effet, une décision courageuse a été prise par la ministre de la Culture et de la Communication, Mme Khalida Toumi, pour sauvegarder le matériel et le mettre sous la protection de l'association Lumière en attendant la création d'une entreprise cinématographique. Depuis la dissolution des trois entreprises audiovisuelles et cinématographiques: l'Enpa, le Caaic et l'Anaf, en 1998 ce matériel, d'une inestimable valeur, est à l'abandon dans les locaux du Caaic au 14 Edgar-Quinet et sur le site des Eucalyptus. Le liquidateur, chargé par les holdings, avait fini son travail d'inspection depuis longtemps, mais faute de repreneur sérieux, le matériel reste sous sa responsabilité et aucun réalisateur algérien dans le besoin n'avait pu profiter de ce trésor du 7e Art. Plusieurs institutions, dont le OCI de Bentorki et l'Entv avaient convoité le matériel du Caaic et principalement le matériel d'éclairage (spots, projecteurs et machinerie). Les quelques caméras Beta de l'Anaf (Agence nationale des actualités filmées) avaient déjà été récupérées par l'Entv. Dès la création de l'institution du commissariat de l'Année de l'Algérie en France en 2001, son premier responsable, M.Hocine Snoussi, avait convoqué les cinéastes, dont les films sont restés en souffrance tels Bendedouche et son film «La voisine» à la Cinémathèque et leur a fait comprendre que le cinéma algérien est sorti de son coma et qu'il est temps de se retrousser les manches et de préparer des films. Une aubaine pour les membres de l'association Lumière à leur tête le cinéaste Amar Laskri et l'infatigable Amimar, qui se sont occupés du matériel du cinéma algérien, comme de leur premier enfant. Un matériel d'une grande valeur, qui est à la fois convoité par certains opportunistes qui n'ont aucune relation avec le 7e Art et la mafia du cinéma qui attendait que le matériel soit mis aux enchères à un prix dérisoire pour le revendre en Tunisie où les entreprises cinématographiques sont en train de fleurir, d'année en année. Un matériel lourd qui est surtout composé de cinq caméras 35 mm BL qui coûte chacune plus de 376 millions de centimes. Des caméras 35 mm inexistantes en Afrique et qui ont servi au tournage de plusieurs films en Afrique, au Sénégal, au Mali, au Burkina Faso et en Egypte. Pour l'anecdote, une de ces caméras, qui avait servi dans le tournage d'un film égyptien, avait été accueillie avec les honneurs par le ministre de la Culture lui-même à l'aéroport du Caire. Chez nous, ces caméras payées en devises fortes avec l'argent du contribuable sont abandonnées à la poussière et à la rouille dans des locaux humides, obligeant des réalisateurs à louer à des prix exorbitants des caméras en Tunisie, elles aussi louées à des boîtes italiennes et françaises. A côté de ces caméras vitales pour la naissance d'un film, le défunt Caaic disposait de 6 Nagas neuves d'une valeur de 250 millions de centimes chacune, un groupe électrogène lourd, des appareils de projection 35 et 16 mm. Un matériel de lumière lourd d'une grande importance, composé en grande partie, de lampes de spot de gélatine, des minibrut, des 500 kilos et des lampes de lumière douce. Des spots pour la plupart neufs sous emballage. Une machinerie lourde composée de travelling, de spider de bazooka pour fixer des projecteurs. A tout cela il faudrait surtout ne pas oublier d'ajouter les camions régie laissés à l'abandon aux Eucalyptus ou encore les nombreux costumes, accessoires de films ou, plus important encore, une importante table de montage, que les nombreux techniciens du cinéma, qui n'ont pas versé dans la folie, la déprime ou encore le suicide, tiennent encore en main et tentent tant bien que mal, de sauver ce trésor abandonné du cinéma algérien. Le Caaic, sur le point de perdre son matériel, a déjà perdu son patrimoine foncier puisque le siège de l'entreprise à Ben Aknoun a été récupéré par le RND (parti d'Ouyahia), le local du 124 Didouche Mourad par la CNEP, alors que les grands appartements du 90 rue Didouche, 6 et 4 Larbi-Ben M'hidi ont été dilapidés par des personnalités connues de la scène politique, dont une sénatrice. En dépit de toute cette crise, le cinéma algérien subsiste et les cinéastes espèrent que ce secteur stratégique de la culture sera réellement pris en charge par le ministère de la Culture et de la Communication et sera surtout à l'affût d'une création méditerranéenne et pourquoi pas mondiale.