Ce qui s'est passé dimanche au poste frontière de Zoudj Bghal est symptomatique de la détérioration des relations entre l'Algérie et le Maroc, l'entière responsabilité incombe directement au trône alaouite. Les appels du pied du souverain marocain pour mettre fin aux «malentendus» qui sont restés sans écho du côté d'Alger ont été apparemment vécus comme une frustration. Mohammed VI veut résoudre les conflits - hérités de son défunt père et dont il assume aujourd'hui les conséquences - sur un coup de baguette magique. Hassan II avait initié la marche verte en novembre 1975 afin de mettre en oeuvre le processus de colonisation du Sahara occidental. Mohammed VI a lancé ses sujets à l'assaut du poste frontière de Zoudj Bghal pour tenter d'impressionner son voisin algérien et lui forcer la main en vue d'une hypothétique ouverture des frontières sous couvert d'un soi-disant soutien à la libération d'un policier sahraoui qui a trahi la cause de son peuple et qui a été fait prisonnier par le Front Polisario. Les autorités sahraouies lui ont promis un procès équitable. Sous d'autres cieux et en d'autres temps, les collaborateurs français, à titre d'exemple, pendant les deux guerres mondiales, ont été passés par les armes. Jean Moulin symbole de la résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale est mort sous la torture après avoir été dénoncé par un autre résistant. La France, qui ne s'est encore pas débarrassée de ses séquelles et de ses réflexes de grande puissance coloniale, soutient ouvertement le plan de large autonomie marocain et vient de violer le principe de neutralité dans un événement qui, en toute logique, ne la concerne ni de près ni de loin. «La France suit avec attention la situation de Mustapha Salma Ould Sidi Mouloud, séquestré à Tindouf par le Polisario à son retour du Maroc où il avait soutenu le plan d'autonomie proposé par le Royaume pour résoudre la question du Sahara», indique une dépêche de l'agence de presse officielle marocaine MAP. «Nous suivons la situation de Mustapha Salma Ould Sidi Mouloud avec attention», a déclaré mercredi le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Bernard Valero. Cette réaction officielle du gouvernement français intervient dans un contexte que Rabat qualifie de «violation des droits de l'homme». Le Maroc qui veut absolument entraîner l'Algérie dans un conflit qu'il a créé de toutes pièces a poussé le bouchon plus loin: il saisit l'ONU et l'UE pour qu'elles interviennent auprès du gouvernement algérien en vue d'obtenir la libération du policier félon! Voilà une manière bien orthodoxe de pratique de la diplomatie dont seul Mohammed VI a le secret. Les observateurs avertis des tensions, entre Rabat et Alger, qui sont nées de la fermeture des frontières entre les deux pays ne seront pas au bout de leurs peines. L'héritier du trône marocain a plus d'un tour dans son sac. Dimanche, il lâche une poignée de ses sujets qui se ruent sur le poste frontière de Zoudj Bghal. Officiellement, ils sont chargés de manifester en faveur du policier arrêté par les autorités sahraouies et qui doit répondre de sa traîtrise. Tout de suite les slogans qu'ils scandent les trahissent. «Brandissant le drapeau national et des portraits de S.M. le Roi Mohammed VI, ils ont appelé les organisations nationales et internationales de défense des droits humains, et à leur tête l'ONU, à intervenir d'urgence pour la libération de M.Mustpha Salma Ould Sidi Miloud, qui n'a fait qu'exprimer librement son opinion en faveur de l'initiative marocaine d'autonomie, et pour mettre fin à la tragédie et aux souffrances des séquestrés dans les camps de Tindouf, sur le territoire algérien» confirme l'agence de presse MAP. Un communiqué rendu public à l'issue de cette manifestation, et dont une copie a été remise au consulat d'Algérie à Oujda, à l'issue de ce «chahut», confirme les intentions à peine voilées du Royaume: mouiller l'Algérie. «L'enlèvement de Mustapha Salma traduit la défaillance de la thèse des séparatistes, soutenue par l'Algérie et qui est fondée sur l'oppression, la détention, la répression de la liberté d'expression et la violation des droits de l'homme», précise le message. La campagne d'accusation et de dénigrement qui cible l'Algérie est orchestrée par Mohammed VI depuis son retour de New York après avoir participé à la 65e assemblée générale des Nations unies. Elle bat son plein. Elle aura comme caractéristique d'être montée dangereusement d'un cran. L'héritier du trône marocain joue avec le feu.