Dans un bulletin, de dernière minute, publié sur le site du Quai d'Orsay, Paris récidive et recommande à ses ressortissants d'éviter la destination Algérie. Pour la seconde fois en l'espace de deux mois (voir L'Expression du 2 août) l'Hexagone cible le tourisme saharien. Un des secteurs de l'économie nationale hors hydrocarbures sur lequel l'Algérie fonde de sérieux espoirs pour sortir de sa dépendance par rapport à ses exportations en pétrole qui assurent pas moins de 98% de ses recettes en devises. Le coup est-il prémédité? La question mérite d'être posée car c'est la seconde fois que sont nommément citées les capitales de l'Ahaggar et des Ajjers. Deux villes du Grand Sud algérien particulièrement prisées par les touristes occidentaux dont une majorité de Français- en cette fin de saison qui marque le début de la saison touristique et qui doit s'achever vers le mois d'avril avec l'apparition des grandes chaleurs- pour les richesses que recèlent leurs territoires que cela soit en ce qui concerne les peintures rupestres, le Tassili des Ajjers, classé patrimoine mondial par l'Unesco, pour la majesté de leurs sites ou encore pour leur flore et leur faune. «Les régions les plus touristiques (Tamanrasset, Djanet, notamment), qui redeviennent fréquentées avec la fin de l'été, présentent un risque croissant, notamment d'enlèvement de touristes par les groupes armés de la zone sahélienne. L'enlèvement de 7 étrangers dont 5 Français au Niger, au sud de l'Algérie, démontre la volonté des groupes terroristes de perpétrer ce type de crimes. Cette volonté reste plus forte que jamais et est susceptible de concerner l'ensemble du Grand Sud algérien.» A croire les initiateurs de cette mise en garde: c'est la guerre! Pour les amoureux et les connaisseurs de cette région il n'y a pas contrées plus paisibles mais surtout pacifiques que l'Ahaggar et le Tassili n'Ajjers. Aucune trace de l'Aqmi qui semble empêcher Paris de dormir n'y subsiste. L'attaque est sournoise et peut porter un rude coup à ces deux wilayas dont l'économie repose essentiellement sur l'activité touristique, qui ne dure que quelque six mois dans l'année. La France veut-elle faire porter le chapeau à l'Algérie dans l'affaire de l'enlèvement des sept étrangers au Niger et parmi lesquels figurent cinq de ses ressortissants qui travaillaient pour le compte du groupe Areva spécialisé dans la prospection et l'extraction d'uranium? Dans un bulletin, de dernière minute, publié le 7 octobre sur le site du Quai d'Orsay, Paris récidive et recommande à ses ressortissants d'éviter la destination Algérie. «En raison des menaces actuelles dans la zone sahélienne, il est recommandé aux Français résidents ou de passage de limiter leurs déplacements au strict nécessaire, plus particulièrement dans le Grand Sud, et de faire preuve de la plus extrême vigilance», met en garde le message. Les rédacteurs de ce bulletin donnent une image d'un pays à feu et à sang et en pleine guerre civile. «Ce risque concerne toutes les régions, aussi bien dans le Nord que dans le Grand Sud. Avec la fin de la période hivernale, le rythme d'action des groupes armés est redevenu dense: plusieurs attentats particulièrement meurtriers se sont produits en juillet en Kabylie et dans la région de Boumerdès. Les forces de sécurité sont les premières visées, mais il ne fait aucun doute que des étrangers figurent aussi parmi les cibles susceptibles d'intéresser les groupes armés» indiquent- ils. Les relations politiques entre les deux pays sont caractérisées par une hypocrisie sans commune mesure, distillée au compte-gouttes par une diplomatie française aux abois. Pour la capitale française il ne s'agit ni plus ni moins que d'entretenir ce lien si ténu, une façon de ne pas le rompre, qui témoigne de rapports tendus, crispés, cristallisés autour d'une histoire commune caractérisée par cent trente-deux ans de domination coloniale aussi totale que féroce. L'indépendance de l'Algérie a remis les pendules à l'heure. Les séquelles ont du mal à être gommées. L'ancienne puissance n'admet encore pas le fait de traiter d'égal à égal avec son ex-colonie. A titre d'exemple, la France a dépêché sa secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, un obscur membre de son gouvernement qui s'est fait un nom à Alger, pour relancer une coopération au point mort. Cela n'est certainement pas suffisant pour prétendre à une lune de miel des deux côtés de la Méditerranée. Cette nouvelle offensive du Quai d'Orsay représente-t-elle la dernière salve que va tirer Bernard Kouchner avant de rendre les armes? Le chef de la diplomatie française devrait quitter le gouvernement à l'occasion d'un remaniement qui ne saurait tarder. A moins que ce nouveau coup fumant ne soit parti de l'Elysée. Nicolas Sarkozy ayant vraisemblablement dit sa dernière messe après avoir rencontré le Saint Père au Vatican, vendredi dernier, se prépare à une élection présidentielle qui, en toute logique, devrait lui être fatale. D'ici là, Paris et Alger continueront à se parler du bout des lèvres.