Dans un communiqué rendu public hier, le Quai d'Orsay recommande aux ressortissants français en déplacement en Algérie ou exerçant une activité sur place d'observer une plus grande prudence et vigilance. C'est la première fois depuis plusieurs années que le ministère français des Affaires étrangères adopte une telle attitude. Les derniers attentats commis par le GSPC depuis l'été dernier, et dont le plus récent est celui qui vient de cibler, la semaine dernière, les employés de la firme américaine BRC, sont avancés pour motiver ces recommandations. “Les grandes zones urbaines sont dans l'ensemble bien sécurisées par les forces algériennes, mais l'attentat du 10 décembre, comme ceux d'octobre dernier (contre deux commissariats de police à l'est d'Alger) ou de l'été (bombes placées dans des zones balnéaires à l'est d'Alger) montrent que la prudence et une grande vigilance restent de mise”, lit-on dans ledit communiqué. Ainsi, est-il écrit, “les déplacements doivent demeurer limités aux zones urbaines sécurisées et aux grands axes routiers. Les déplacements par avion restent préférables”. Ce qui semble augmenter les appréhensions du Quai d'Orsay, c'est l'alliance stratégique qui lie depuis cet automne le GSPC à Al-Qaïda. “Le terrorisme, bien que beaucoup moins meurtrier que dans les années 90, est encore une réalité en Algérie et si le GSPC, principal groupe encore en activité, n'a pas pour politique de viser les populations civiles algériennes, il a émis, en revanche, à plusieurs reprises des menaces contre les intérêts étrangers, notamment français et américains. Il affiche également son affiliation à Al-Qaïda.” Si cette mise en garde est justifiée, d'autant que les autorités algériennes, comme d'habitude, brillent par une non-gestion de marketing post-attentats comme c'est le cas dans des pays où les étrangers sont plus ciblés qu'en Algérie (Egypte, Turquie, Jordanie, Yémen...), le Quai d'Orsay pèche par précipitation, manque de pragmatisme et parcimonie. La gestion du risque Algérie est disproportionnée par rapport aux réalités du terrain. Le ton du communiqué ne reflète pas une réalité où le degré de nuisance sur les intérêts français est moins important, comparés à ce qui est le cas dans certains pays. Cette gestion non pragmatique du risque pays de la part du Quai d'Orsay est décriée par les opérateurs économiques français, eux-mêmes. Ainsi, la publication du communiqué du Quai d'Orsay relatif au “Risque Algérie” a coïncidé avec la distribution d'un rapport du CETO, le plus important syndicat des voyagistes français (tours opérateurs) qui dénonce, justement, la politique française de gestion des risques pays. Une situation qui s'est répercutée négativement sur le tourisme, soit la première activité du pays. Le risque pays est de nos jours très important dans l'orientation des flux touristiques depuis la France, qui reste un des pays gros émetteurs. À titre indicatif, pour 2006, à cause des événements qui se sont déroulés au Moyen-Orient, les forfaits vendus pour cette destination ont chuté de 30,6% et où l'Egypte a perdu pour elle seule 38,2% sur le volume des ventes par rapport à 2005. Les ventes pour la Turquie, elles, ont chuté de 26,4% toujours par rapport à 2005. Seule l'Afrique du Nord connaît une progression de 8,8%, portée par le Maroc, la Tunisie et même la Libye. L'Algérie connaît une forte croissance, à deux chiffres, mais ramenée au volume, elle reste insignifiante. La dernière appréciation du Quai d'Orsay risque de freiner l'élan, surtout qu'aucune action de marketing politique pour sauver l'image de la destination n'a été entreprise après les derniers attentats qui restent, toutefois, “bénins” par rapport à ce qui se passe ailleurs. La France a toujours été considérée comme étant le prisme à travers lequel le monde occidental regarde et analyse la situation en Algérie. Sauf que certaines chancelleries ne prennent toujours pas au comptant les prophéties des analystes français. Pour preuve, les compagnies pétrolières américaines et britanniques ont fait la sourde oreille aux cris alarmistes du Quai d'Orsay des années 90. Le temps leur a donné par la suite raison, et l'Hexagone a perdu des parts de marché difficiles à reconquérir à moyen terme. Pour le secteur de l'aviation civile, le comportement d'Air France, pourtant toujours privilégiée par les gouvernements algériens, reste toujours incompréhensible. D'autres compagnies moins avantagées, telle Alitalia ou Iberia, ont eu des comportements que les Algériens ne cesseront de saluer. Mourad KEZZAR