L'Etat a pourtant fait le diagnostic de la situation et dépêché à maintes reprises des missions d'inspection. Les voyages aux Lieux Saints de l'Islam sont devenus, chaque année, pour bon nombre d'Algériens, un véritable parcours en enfer, et pour les pouvoirs publics un véritable casse-tête chinois. Des centaines, parfois des milliers d'Algériens, racontent, à leur retour au pays - comme ceux qui se sont trouvés dernièrement bloqués pendant plusieurs jours au niveau des aéroports de Djeddah et Médine - le cauchemar auquel ils ont été exposés durant leur séjour à La Mecque, à Médine, à Arafat et surtout à Mina où les conditions d'hébergement et d'encadrement sont, chaque année, catastrophiques. Les hôtels, trop souvent insalubres, ne répondent généralement pas aux attentes de nos pèlerins, âgés et atteints de maladies chroniques, ce qui est de nature à favoriser les manifestations de mécontentement et engendrer des situations intenables. Les membres de la mission de pèlerinage, pourtant nombreux (800) se transforment, dès leur arrivée en Arabie Saoudite, en fantômes, à l'exception de nos médecins qui fournissent un travail de titan. L'Etat a pourtant fait le diagnostic de la situation, dépêché à maintes reprises des missions d'inspection de l'IGF pour établir un état des lieux, rechercher les causes de ces graves défaillances et proposer les mesures d'amélioration de la gestion de ce dossier, et mis en place, en novembre 2007, un nouvel organe pour le pèlerinage et la Omra, en remplacement de la défunte Commission nationale de pèlerinage. Officiellement, la création d'un Office national du Hadj et de la Omra (Onho), doté d'un statut d'Epic, a été décidée pour mettre fin aux dysfonctionnements qui caractérisaient la prise en charge des opérations Hadj par le passé. Mais, ces «voyages vers l'inconnu» continuent et l'office reproduit les mêmes erreurs et défaillances de l'ex-Commission nationale de pèlerinage. Le problème n'a jamais été d'ordre organique et il ne fallait pas remplacer une structure par une autre, comme si en changeant de dénomination, l'organe nouveau allait vite résoudre les multiples difficultés que rencontraient nos pèlerins. Aujourd'hui, tous les observateurs s'accordent à dire que l'Office nouvellement créé, s'est vite transformé en une véritable contrainte devant une prise en charge efficace et transparente du dossier. Sa gestion vient d'être soumise au contrôle de l'IGF, deux années seulement après sa mise en place. Aucune stratégie d'organisation de ces voyages n'a été définie et aucun plan opérationnel d'encadrement des pèlerins en Algérie et sur les Lieux Saints de l'Islam, n'a été élaboré en rapport avec tous les secteurs intervenants. Ces derniers ne se réunissent qu'à la veille des départs pour les Lieux Saints et leurs missions sont très mal définies. Cette situation a favorisé dans notre pays le développement d'un marché parallèle, l'apparition de pratiques douteuses, de rabatteurs et d'un réseau d'agences non agréées qui organisent ces voyages, en toute illégalité, mais surtout avec la complicité d'une multiplicité d'acteurs qui se complaisent à reproduire un schéma dépassé pour réglementer l'organisation et le suivi de ce type de voyages. Cahier des charges complaisant Certaines agences «parasites» recourent à la sous-traitance (tolérée par un cahier des charges élaboré de manière très sommaire et très légère) et proposent des prestations avec des conditions de séjour très vagues et sans aucune garantie de sécurité ou de retour. Elles font miroiter «les mille et une nuits» pour offrir en réalité un véritable enfer qui empêchera beaucoup de personnes d'accomplir normalement le pèlerinage ou la Omra. Les agences, agréées ou clandestines, ne sont pas les seules responsables du calvaire vécu par nos citoyens en terre sainte. La mission de pèlerinage, composée de 800 membres, a une grande part de responsabilité dans les difficultés rencontrées par nos hadjis durant leur séjour. De l'avis de beaucoup de pèlerins, cette mission, censée accorder un encadrement approprié aux candidats au pèlerinage, se confond aux pèlerins et disparait dans la nature, à l'exception des membres de l'équipe médicale et des éléments de la Protection civile qui ont accompli un travail remarquable en 2008. Devant cette multitude d'insuffisances et de carences répétées, il est permis de s'interroger sur les facteurs qui ont entraîné cette défaillance des secteurs concernés? S'agit-il de l'absence de définition d'une stratégie d'organisation de ces voyages et d'encadrement des pèlerins? S'agit-il d'une absence de coordination intersectorielle et de préparation sérieuse du dossier? S'agit-il de l'appât du gain qui attire toute une armée «d'intervenants»? S'agit-il d'une carence dans la législation ou d'une absence totale de régulation du marché? S'agit-il d'une méconnaissance, par les pèlerins, de leurs droits? Ces droits sont-ils définis? et par qui? La publicité mensongère ou l'absence de publication des conditions de voyage sont-elles de nature à entraîner les clients vers l'inconnu? Les relations agence-client sont-elles encore régies par ces réflexes qui n'ont pas encore intégré l'idée de contrats écrits et d'assurance dans une opération commerciale? Le cahier des charges élaboré par l'office ou le ministère des Affaires religieuses est-il de nature à préserver les intérêts de nos pèlerins? Dans d'autres espaces géographiques, les autorités ont défini un mode organisationnel précis et détaillé et élaboré un guide ou une brochure comportant toutes les informations sur les droits et obligations du contrat entre l'agent de voyages et le pèlerin. Cela est certes insuffisant. Un véritable travail de fond est à mener pour clarifier les missions des uns et des autres dans un dossier qui ronge la crédibilité de l'Etat qui soutient, pourtant, financièrement ce dossier. En plus d'une préparation devant être lancée suffisamment à l'avance, une réglementation plus rigoureuse, un contrôle efficace et une campagne d'information sont nécessaires pour mettre un terme aux arnaques et à l'improvisation dans l'organisation de ces voyages et l'encadrement de nos hadjis. De nouveaux paramètres De même qu'un recensement et une révision des pratiques actuelles méritent d'être rapidement engagés. Il sera ainsi possible de bannir le recours aux billets «ouverts» qui ouvrent la voie à toutes les formes de détournement des réservations «aller et retour» quand ces dernières ne sont pas fermes et informatisées. La compagnie Air Algérie qui déploie des efforts louables, peut avantageusement apporter quelques améliorations aux «contrats bloc-sièges» avec les agences, aux conditions de vente de la billetterie par certains opérateurs et à l'organisation du pèlerinage. En plus de la numérotation des sièges afin d'éviter les bousculades et la course aux sièges, «Air Algérie» pourrait rechercher une solution définitive à la problématique des excédents de bagages des hadjis, assurer aux pèlerins des réservations aller et retour fermes informatisées (les billets d'accès étant remis au départ d'Algérie à un agent de la compagnie ou un membre de l'encadrement accompagnant les pèlerins). «Air Algérie» peut également porter la réflexion sur la réduction de la durée d'exécution du programme de transport des pèlerins afin de réduire la durée de séjour en Arabie Saoudite. Elle doit enfin et surtout éviter d'apporter des changements au programme des vols en direction des Lieux Saints, à la veille des départs. Cela contribuera sans aucun doute à créer les conditions d'un «mauvais départ» et à perturber l'opération d'accueil des pèlerins en Arabie Saoudite et leur acheminement sur La Mecque ou Médine. S'agissant des missions de puissance publique des autres secteurs, elles sont clarifiées par la pratique jusque-là suivie, par les attributions de ces départements et par le décret exécutif n°07-349 du 17 novembre 2007 portant création de l'Office du pèlerinage et de la Omra. Enfin, une plus grande transparence dans la négociation et la conclusion des contrats d'hébergement des pèlerins à La Mecque et Médine, mérite d'être rapidement mise en place par la définition de mécanismes et de règles de transparence qui respectent la réglementation des marchés publics. Il y a lieu d'espérer qu'avec la prise en compte de ces quelques observations et des recommandations ci-dessous, le prochain pèlerinage se déroulera sans difficultés majeures, surtout que la campagne qui s'annonce connaîtra de nouveaux paramètres, à savoir le recours aux gros-porteurs d'une capacité de 420 passagers qui embarqueront de 5 aéroports nationaux de départ cette année. Un travail sérieux attend ceux qui sont en charge de ce dossier ainsi que les véritables professionnels du voyage. Les pouvoirs publics sont invités à se pencher sur ce dossier pour déterminer les causes des échecs successifs et arrêter un mode organisationnel nouveau qui préserverait la dignité de nos pèlerins et l'image de notre pays à l'étranger. Les missions de chaque secteur devraient être rapidement clarifiées pour éviter la confusion des rôles. Des exemples et les moyens de réussite existent. La Malaisie, l'Indonésie, la Turquie, l'Iran, la Tunisie et d'autres pays musulmans disposent de capacités d'organisation réelles et sont cités en exemple par les autorités saoudiennes et l'Organisation de la conférence islamique (OCI). Il suffit d'en prendre connaissance et de les adapter à notre situation.