Les syndicats français comptent sur une forte mobilisation aujourd'hui lors de la nouvelle journée de grèves et manifestations contre la réforme des retraites et mettent en garde contre une radicalisation du mouvement alors que le Sénat compte achever l'examen du texte cette semaine. L'enjeu est crucial pour Nicolas Sarkozy, président impopulaire qui a fait de cette réforme un des chantiers phares de la fin de son mandat et espère capitaliser sur un succès avant de remanier son gouvernement pour la dernière ligne droite avant la présidentielle de 2012. Pour cette quatrième journée de contestation depuis début septembre, les syndicats, appuyés par l'opposition de gauche, tablent sur le soutien de l'opinion publique et l'implication des jeunes, dont la mobilisation sera décisive pour la suite du mouvement. «C'est une des dernières occasions de faire reculer le gouvernement», a prévenu dimanche soir le secrétaire général du syndicat CFDT (réformateur) François Chérèque jugeant que le pouvoir serait contraint de réagir en cas de mobilisation soutenue. De son côté, Jean-Claude Mailly de Force ouvrière, autre grand syndicat, a exhorté hier le gouvernement à ne pas «parier» sur «un affrontement» dans le cadre d'une grève reconductible comme c'est de plus en plus évoqué. Les dernières manifestations avaient rassemblé des cortèges imposants, entre 900.000 personnes et un million de personnes selon la police, et près de 3 millions selon les syndicats. Deux sondages (BVA et CSA) publiés hier relèvent que le mouvement reste populaire, 69% des Français le jugeant justifié et 66% étant même favorables à un durcissement des actions contre le projet gouvernemental. Dans un troisième sondage (Ifop), 55% des Français considèrent que le gouvernement est susceptible d'aménager la réforme des retraites. Pour tenter de désamorcer la contestation, le pouvoir, qui reste inflexible sur le fond de la réforme, a consenti jeudi à de nouveaux aménagements, notamment en faveur de certaines mères de famille, après avoir déjà revu son texte pour les carrières longues et les emplois pénibles. Des mesures jugées insuffisantes par les syndicats. L'exécutif, qui se méfie des conséquences d'un engagement massif des jeunes dans la contestation, mise surtout sur l'accélération du calendrier parlementaire pour décourager les manifestants. Après l'Assemblée nationale, le Sénat a voté vendredi la mesure la plus contestée, le recul progressif de 60 à 62 ans de l'âge minimum de départ à la retraite et devait voter hier le passage de 65 à 67 pour une pension à taux plein. Il prévoit d'achever l'examen du texte en fin de semaine. La réforme devrait ainsi être définitivement adoptée par le Parlement avant la fin du mois. Le président du groupe UMP (parti présidentiel, droite) au Sénat, Gérard Larcher, a affirmé hier qu'il ne voyait «pour l'instant plus de marge de manoeuvre» du Parlement sur ce texte. Ce scénario a poussé certains syndicats à durcir leur opposition, en déposant ces derniers jours des préavis reconductibles au-delà de mardi dans certains secteurs (transports, énergie, chimie...) ou entreprises (La Poste, France Télécom), avant une nouvelle journée de manifestations samedi. Hier, la direction de l'aviation civile française pronostiquait déjà l'annulation de 30% à 50% des vols dans les aéroports parisiens de Roissy et Orly. Dans un autre secteur stratégique, les raffineries, la poursuite de la mobilisation fait planer la menace d'une pénurie de carburant.