Le mouvement de protestation en France contre la réforme des retraites montrait hier des signes de durcissement, avec un appel à la grève illimitée dans les transports parisiens, au moment de la reprise du débat parlementaire sur ce texte clé pour Nicolas Sarkozy. «Dans certains secteurs, les salariés sont disponibles pour des grèves qui ne se limiteront pas à vingt-quatre heures», a prévenu le secrétaire général du la CGT, Bernard Thibault, l'un des deux principaux syndicats avec la Cfdt. La CGT de la régie des transports parisiens Ratp, le premier de l'entreprise publique, a ainsi déposé un préavis de grève illimitée à compter du 12 octobre, date de la nouvelle journée d'action organisée par les syndicats, la quatrième depuis début septembre. Dans les chemins de fer, les syndicats doivent décider aujourd'hui des modalités d'action pour le 12. Le responsable CGT, Didier Le Reste s'est dit prêt à durcir le mouvement «si les cheminots ne sont pas seuls» et si «d'autres secteurs stratégiques» suivent. Même discours dans la chimie comme chez Total. Après avoir réussi à faire descendre dans la rue samedi entre 900.000 et 3 millions de personnes pour la troisième fois en moins d'un mois, les syndicats estiment disposer d'un large soutien populaire (71% des Français soutenaient la manifestation de samedi selon un sondage). Mais si certaines organisations, comme Sud (extrême gauche), sont favorables à des grèves reconductibles, la CGT, au niveau national, et plus encore la Cfdt doutent que les salariés soient prêts à s'y engager et que l'opinion publique y soit favorable. D'autant plus que le gouvernement ne montre aucun signe de repli sur le coeur de sa réforme, le recul de 60 à 62 ans pour l'âge minimum de départ et de 65 à 67 ans pour la retraite à taux plein. Son porte-parole Luc Chatel juge que le mouvement «ne s'amplifie pas» et finira par s'essouffler. La patronne du Parti socialiste Martine Aubry a accusé le gouvernement «de jouer la tension». L'opposition entend relayer la contestation sociale au Sénat, qui a entamé hier après-midi l'examen du projet de réforme déjà adopté à l'Assemblée nationale. Les sénateurs de gauche ont déposé plus de 1000 amendements pour faire durer le débat au delà du 12 octobre. «Le cocktail mobilisation sociale et débat parlementaire peut faire bouger les lignes», veut croire le chef de file des sénateurs socialistes, Jean-Pierre Bel. Mais le parti présidentiel UMP, qui considère ce texte comme «la mère des réformes» a prévenu que «les marges de manoeuvre seront extrêmement étroites». «Le 62-67 ans» et «l'équilibre financier» ne changeront pas, a répété le patron des sénateurs UMP, Gérard Longuet. A la différence de l'Assemblée nationale, l'UMP n'a pas la majorité absolue au Sénat et pourrait devoir accepter des compromis avec les centristes qui veulent le maintien du taux plein à 65 ans pour les mères de trois enfants, qui n'ont souvent pas travaillé le nombre d'années nécessaires. Le gouvernement n'a cependant pas dévoilé ses amendements et ne devrait pas le faire avant la journée de mobilisation du 12 octobre. Très impopulaire, Nicolas Sarkozy compte sur cette réforme, qui sera suivie d'un remaniement gouvernemental, pour relancer la fin de son mandat à 18 mois de l'élection présidentielle. Mais certains dans son camp craignent une victoire à la Pyrrhus. «Je crains, et je le dis, que la majorité ne le paie extrêmement cher en 2012», a estimé ainsi l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin.