La scène raï ouverte à tous les vents subit ces derniers jours les pires affronts. Azzedine, Nedjma, Nawel et Abdou ne se sont pas fixés des limites pour verser dans l'ignoble, l'innommable. En matière d'excès, on ne fait pas mieux. Azzedine qui s'était attiré un élan de sympathie avec sa chanson «Haouji ana» a enregistré ces derniers jours un net recul avec le remake de son succès qu'il a transformé en «Kouaghti ma hadrouch». Cette chanson qui invite les jeunes à quitter le pays et à tourner le dos à la patrie en allant s'installer en France, Azzedine l'avait chantée dans un «bouge» de Marseille. Emporté par son désir de plaire aux promoteurs de sa virée marseillaise, il est tombé à bras raccourcis sur son pays faisant l'apologie de la France et vantant les avantages qu'elle offre à la jeunesse algérienne qui vit l'enfer chez elle. L'album chanté dans le style «guesba» enregistre un faible taux de vente et d'après certains gérants de magasins de vente de cassettes, c'est un véritable fiasco pour son producteur. Nedjma ou chaba «Canal plus», n'a pas fait dans la dentelle pour cette fois aussi. En matière de langage cru, elle en a usé et abusé au point où plusieurs habitants de l'Ouest ont interdit à leur progéniture d'écouter ce genre de musique. La chanteuse a accusé un net recul dans les sondages et beaucoup lui prédisent une fin artistique imminente. La nouvelle venue sur la scène raï, chaba Nawel, risque d'en sortir aussi vite qu'elle y est entrée. La promotion pour son album, effectuée dans certains cabarets de la corniche oranaise avait attisé la curiosité de certains mélomanes qui voulaient découvrir ses capacités. Malheureusement, malgré d'indéniables qualités vocales, la chanteuse a choisi la voie de la facilité en puisant dans un répertoire de chansons paillardes que fredonnent les adeptes de Bacchus. Nawel, qui a pris un mauvais départ - pourtant, son manager voyait en elle une sérieuse rivale à Djenet - semble mal partie et mal conseillée. Son avenir est compromis et son album s'est révélé être un bide. Abdou fait du surplace ces derniers jours. le «Boy George» du raï perd du terrain et son dernier album n'arrive pas à accrocher. Son éditeur qui avait même recouru au son robotique, s'est retrouvé avec une cassette qui ne se vend pas. Plusieurs Oranais reprochent à ce cheb sa propension à préférer les cabarets et le son live au travail fouillé des studios. Son éditeur explique ce phénomène par l'apparition de nouveaux pirates qui parasitent le marché de la cassette. Un autre éditeur estime que l'Onda devrait se montrer plus présente pour défendre les intérêts des artistes d'une part et moraliser la scène raï d'autre part. Verra-t-on l'apparition d'un raï BCBG qui viendra bousculer le raï trab ou celui brandi comme une forme de contestation par une partie de la jeunesse? Il est peut être prématuré de donner une réponse, mais ce qui est sûr, c'est que la scène du raï est en train de connaître une profonde mue et le train qui s'est ébranlé en 1985 (à l'occasion du Festival national de la jeunesse), a fait une halte pour permettre à beaucoup de descendre.