Les hommes de loi relèvent un vide juridique criant dans le droit algérien. Durant le premier mois de l'année scolaire en cours, les enlèvements se sont multipliés. Les bambins redoutent le chemin de l'école. Une épée de Damoclès se trouve, en effet, suspendue au-dessus de leur tête. Les kidnappeurs sans âme ni conscience leur rendent la vie amère. La «proie» est facile à atteindre, en cette période. Les exemples de Achwak et Abderahim, retrouvés morts dans des conditions proches de la fiction, illustrent ce drame. Ces crimes abjects se perpétuent au grand dam des parents impuissants qui ne font que constater les dommages. Doivent-ils accompagner leur progéniture à longueur de journée? Peu nombreux sont ceux qui peuvent se le permettre. La garde et l'accompagnement de l'enfant posent problème. Deux choix sont proposés en termes de système de gardiennage: la crèche ou la nourrice. Aucun d'eux n'intéresse les parents. La surveillance de l'enfant, notamment dans des établissements scolaires, est également entachée de contradictions sur le plan juridique. Après l'enlèvement, les parents s'accusent mutuellement. Maître Aït Zaï, avocate et membre du Centre d'information et de documentation sur les droits de l'enfant et de la femme (Ciddef), reconnaît cette incompatibilité. Lors de son passage à une émission diffusée à la Chaîne III de la Radio nationale et consacrée au phénomène du kidnapping, elle a affirmé que le droit algérien confère au père cette responsabilité de surveillance. «C'est lui qui agit au nom du fils ou de la fille pendant leur minorité», explique l'avocate. «Cependant dans les faits, cette tâche est accomplie par la maman. Elle surveille ses enfants comme le lait sur le feu», constate Me Aït Zaï. Le père, regrette-t-elle, se contente, souvent, de tirer à boulets rouges sur sa femme en cas d'inattention. De ces révélations, on constate que le droit algérien divise les parents quant à la puissance parentale. Dans d'autres pays, cette responsabilité est partagée entre les deux parents. De son côté, Maître Hocine Zehouane, contacté hier par L'Expression, parle d'une «absurdité» et d'une «surveillance phallocratique». Il regrette que la maman n'ait ce droit de garde qu'en l'absence de son époux ou en cas de divorce. Dans d'autres situations, elle doit saisir la justice pour «destituer» son mari de ce pouvoir unilatéral que lui accorde le droit. L'intérêt d'une garde commune doit être érigé en véritable droit. Intervenant au cours de l'émission, Houria Hacen Djabellah, psychologue chargée de la psychopathie de l'enfant et de l'adolescent, soutient que la responsabilité de l'autre n'est pas respectée. C'est, d'ailleurs, pour cette raison, d'ordre psychologique, que les malfrats commettent leurs actes les plus horribles. Devant l'absence d'alternatives, l'enseignante à l'université d'Alger est convaincue qu'il «faut s'adapter à un nouveau mode de vie social: surveiller sa progéniture à longueur de journée». Lui emboîtant le pas, le Dr Mosli, thérapeute de famille à l'hôpital Frantz-Fanon de Blida, a affirmé qu'il s'agit d'un long combat. «Suivre ses enfants? Ça n'a pas de limites d'autant plus que la plupart des parents sont irresponsables», fait-elle remarquer. La sensibilisation «à grande échelle», comme l'exige le professeur Mustapha Khiati, président de la Forem, doit être de mise. Les peines doivent également s'alourdir. L'intervenant appelle en outre, à la mise en place d'un dispositif «exceptionnel», pour mettre fin à ce phénomène qui secoue l'ensemble des familles. Kidnapping, enlèvement, rapt, séquestration... l'appellation peut différer mais la fin est souvent identique: des corps inertes de bambins innocents, sont retrouvés suite à une forte mobilisation du voisinage et des services de sécurité. Le seul tort de ces angelots, est de se retrouver momentanément seuls pour partager des moments de joie. Malheureusement, c'est pendant ce court moment d'inattention que le drame a lieu. Vit-on dans un empire de scélérats? La recrudescence des enlèvements rend toute hypothèse possible.