Sortis «victorieux» de ce dernier bras de fer, les ârchs vont sans doute durcir le ton et leurs exigences seront revues à la hausse. La situation de crise que traverse la Kabylie depuis avril 2001 a empirée depuis le 10 octobre dernier. Le taux presque insignifiant de participation aux élections locales constitue, quelque part, une fin de non-recevoir adressée au FFS qui, à travers une initiative courageuse, faut-il le souligner, a tenté de briser «la loi de l'omerta» qui sévit en Kabylie depuis de longs mois. L'abstention massive des électeurs de la région, loin d'être un témoignage de soutien au mouvement citoyen, est, en réalité, un signe de grande lassitude envers toute la pratique politique d'où qu'elle vienne. Les informations qui parviennent de la région font ressortir le fait que les citoyens de Kabylie ne croient plus ni au FFS ni au RCD et encore moins aux ârchs. Ces derniers ont agi en terrain conquis en ce sens que, de toute façon, «la décision» d'abstention était déjà prise par une bonne majorité des citoyens de la région réputée encline à bouder les urnes. Cela étant, il y a aujourd'hui une situation de fait en Kabylie qui la met au ban de la République. D'abord, elle se distingue par une représentation «symbolique» à l'APN et, depuis le 10 octobre, par des élus locaux qui ne disposent d'aucune légitimité populaire réelle pour gérer les communes et les deux wilayas. Le FFS, qui a perdu son pari face à un mouvement qui ne semble reculer devant rien quitte à instrumentaliser des mineurs, a hérité d'un cadeau empoisonné, d'autant qu'il devra faire avec une très probable dure opposition des radicaux du mouvement citoyen qui ont déjà pris la décision d'interdire aux élus l'accès aux sièges des APC. Affaibli donc par un score électoral décevant, le FFS n'a, pour ainsi dire, aucune arme à opposer aux tenants de l'empêchement d'exercice des membres de l'APC. Les assurances du ministre de l'Intérieur, quant à la volonté du pouvoir de ne traiter qu'avec «les représentants légitimes» de la Kabylie, risquent de ne pas trop peser sur la balance le jour où le dialogue souhaité par Benflis reprendra. Nous nous acheminons donc en Kabylie vers une situation de chaos où il n'existera pas d'intermédiaire entre le pouvoir central et cette région du pays. La stratégie du pouvoir était justement d'installer des structures élues aptes à engager un dialogue sérieux pour une sortie de crise rapide de la Kabylie. En fait, le boycott réussi le met dans une situation d'impasse et il lui est désormais impossible, pour l'heure en tout cas, de trouver un interlocuteur en dehors des ârchs. Ces derniers, même s'ils ne représentent plus grand-chose dans la région, disposent d'une force de frappe à travers les jeunes émeutiers, qui ont réussi, faut-il le rappeler, à invalider le scrutin dans de nombreux centres de vote. Il est évident que, sortis «victorieux» de ce dernier bras de fer, les ârchs vont sans doute durcir le ton et leurs exigences seront revues à la hausse. La satisfaction de la plate-forme d'El-Kseur, telle qu'ils la souhaitent, étant exclue par le pouvoir, on ne voit en effet pas, par quel bout engager quoi que se soit, surtout que le mouvement est structuré de sorte à ce que rien ne puisse être entrepris en dehors de la satisfaction d'une plate-forme «scellée et non négociable», une expression qui a pour fonction de piéger toutes les bonnes volontés au sein du mouvement. Aussi, sommes-nous tentés de dire que dans un avenir immédiat, le face-à-face pouvoir-ârchs est inévitable, au risque de prendre une tournure plutôt éloignée d'un esprit de dialogue.