Respect du droit à la différence. Cette phrase est du secrétaire général du parti du FLN qui l'a prononcée lors d'une conférence tenue vendredi, peu après la proclamation des résultats des urnes par le ministre de l'Intérieur. Respect! Voilà le maître-mot clé. Le mot clé d'une démarche politique qui ne serait acceptée du plus grand nombre que si elle était fondée sur la tolérance et le respect de l'autre. L'Algérie a, pour la première fois de son existence de nation reconnue du monde entier, enregistré un progrès tangible en faveur de la démocratie qu'elle essaie de mettre en oeuvre, depuis février 1989, date fracture entre un passé glorieux, un présent trop envahissant et une volonté de plus en plus affirmée de porter un grand coup aux pesanteurs du sous-développement hérité de la période coloniale. C'était jeudi dernier, le 10 octobre 2002, que le FLN qu'on avait cru définitivement emporté par la bourrasque du 5 octobre 1988, est revenu triomphant sur la scène politique pour la seconde fois en moins de 5 mois, en attendant d'autres défis à relever. Avec près de 700 communes dans son escarcelle et 43 assemblées de wilaya sur 48, on n'a certes pas parlé de raz de marée, mais d'une large victoire électorale à partir de laquelle, le citoyen algérien serait, en toute légitimité fondée, de pouvoir jouir pendant 5 ans d'une stabilité de son pays à la concrétisation de laquelle les autres formules tentées ici et là, durant les quatorze dernières années d'exercice du pouvoir, n'ont jamais pu lui garantir tout à fait. Que dire du retour en force du FLN que son nouveau poids désigne d'emblée comme une «force de propositions et de changement»? La réponse à cette question n'aurait sûrement pas été simple dans d'autres circonstances, mais cette fois, elle l'est, parce qu'elle découle des résultats mêmes du scrutin du 10 octobre. Ce même scrutin qui a ouvert au parti de Ali Benflis toutes grandes les portes de l'électorat, dans la mesure où des millions d'Algériens l'ont bien voulu ainsi. Le 10 octobre, voilà une date qu'il faudra bien marquer d'une pierre blanche, si on veut être en osmose avec l'Histoire. En revanche, le triomphe du FLN s'est révélé profondément modeste. Soit! Mais de quoi sera capable ce parti qui, quoi qu'on ait pu en dire, a énormément misé sur le temps et la patience pour sortir du ghetto de l'exclusion où il dut, à son corps défendant, se refaire une santé, en rejetant la culture de l'immobilisme prônée par le dernier carré de ses membres conservateurs? Prosaïquement de tout. Mais comme il s'agit d'une formation qui, depuis une année, s'est engagée à ne jamais cesser de fournir des efforts pour aider à mettre en place et à consolider l'assise du pluralisme, de la liberté d'expression en visant à rapprocher l'échéance indispensable de la consécration de l'Etat de droit dans notre pays, le FLN a encore beaucoup d'efforts à faire. A sa décharge, on peut dire que le dynamisme de ses responsables actuels le cautionne et lui procure des assurances supplémentaires pour mener à bien, les grandes tâches qu'il a consignées dans son programme politique. De toutes les façons son retour par la grande porte sur la scène active de la politique, rassure les citoyens comme il avait rassuré leurs parents quand, par milliers, ils avaient répondu à son appel le 1er Novembre 1954. Son retour au grand jour lève en même temps d'autres hypothèques et explique qu'il s'agit d'un parti qui se veut partie intégrante de ce siècle, autrement dit un parti moderne dont le souci premier vise à démontrer que sans culture politique, le cheval de bataille qu'est devenu le pluralisme, risque fort de se diluer dans les sous-cultures idéologiques sous le simple effet de la récurrence si l'on n'y prenait garde. C'est probablement pour cette raison que Ali Benflis, dans ses déplacements ces dernières semaines, a, rarement, manqué l'occasion de rappeler que le «parti unique c'est fini!» en le scandant plusieurs fois de suite. Encore une chose à propos de la relance de l'économie et la réhabilitation de la confiance «entre les hommes, entre la société et l'Etat, entre l'individu et l'administration, etc.», sans le concours des autres partis, avait, plusieurs fois, répété Ali Benflis, le FLN ne saurait porter seul le fardeau de la reconstruction démocratique et contribuer à rendre moins exigeante l'accession à une équitable redistribution des revenus. Encore un objectif dont le FLN voudrait être le porte-étendard : la culture. A ce propos, parmi les 20 chantiers qui devront guider les pas des nouveaux élus locaux, figure en bonne place celui qui a trait à l'art, à l'esthétique et à l'ensemble de formes d'expression que l'homme connaît. L'élu du FLN devra veiller à protéger tous ceux dont le souci majeur consiste à travailler dans le silence merveilleux de l'expression poétique et des arts. Ainsi sans renier son passé, le FLN voudrait seulement aller encore plus profondément dans la société algérienne pour mieux se nourrir de sa sagesse et de sa pérennité.