Finalement, en ce 1er-Novembre, le drapeau égyptien ne flotte pas sur le chapiteau du 5-Juillet et les profanateurs de la mémoire de nos martyrs ne sont pas parmi nous. Après un suspense intense, le feuilleton égyptien vient de connaître son épilogue: l'Egypte ne participe pas au Sila. Faut-il s'en attrister ou s'en réjouir? Il est vrai que certains Algériens sortent perdants de cette affaire, d'autres gagnants. Voyons cela de plus près. Finalement, en cette période du 1er-Novembre, le drapeau égyptien ne flotte pas sur le chapiteau du 5-Juillet et les profanateurs de la mémoire de nos martyrs ne sont pas parmi les participants du Salon du livre. Cette abdication lèse certains intellectuels égyptiens, victimes des dommages collatéraux innocents, inhérents à tout conflit entre les nations, elle contrarie également certains Algériens, frustrés par l'absence de leurs idoles de toujours. En revanche, ce dénouement procure une immense joie à tous ceux qui furent opposés à la participation de ce pays. Cela dit, quels que soient les sentiments des uns et des autres, le résultat est là: l'Egypte est absente du Sila. Les gesticulations du «groupe d'intellectuels» n'auront finalement servi à rien! D'ailleurs, ces gens semblent manquer de combativité, puisque dès la riposte des nationalistes algériens, ils ont disparu de la scène médiatique: point d'articles de presse ni de nouvelles de la pétition en faveur des Egyptiens. Nul n'est en mesure d'affirmer si ce repli provient du manque d'engagement ou du changement de convictions. En effet, après les virulentes réactions de la majorité des Algériens, peut-être que ces intellectuels se seraient rendus compte de leurs errements, car ils sont cultivés, intelligents et non moins patriotes. Quant aux Egyptiens, il n'est pas facile de connaître la cause exacte de leur renonciation, après la (tardive) invitation officielle. Néanmoins, il est certain que l'hostilité de la majorité des Algériens à cette présence aura joué un rôle déterminant. Car se sachant indésirables dans notre pays, alors qu'ils furent habitués au statut de stars adulées, ils ont préféré bouder le Salon pour ne pas se sentir humiliés. L'invitation leur a procuré une bouée de sauvetage afin de sauver la face. Mais en refusant de venir pour préserver leur «grandeur», ils récompensent leurs «partisans» par un mémorable camouflet. Quant aux Algériens ayant exprimé leur rejet des Egyptiens, cette défection représente pour eux une magnifique victoire. Car, contrairement aux affirmations de certains intellectuels, la cause du conflit provient d'une lutte de leadership entre les nations, déclenchée, il est vrai, par un match de football. Depuis 1962, les Egyptiens exercent une certaine domination sur notre pays, les «castrer» représente une revanche d'un peuple opprimé. Cet exploit ne changera guère la situation désastreuse dans laquelle se débat notre pays, mais il aura montré l'utilité de la mobilisation, ce qui constituera un exemple pour d'autres combats et d'autres succès. Toutefois, les luttes algéro-algériennes doivent être pacifiques et dépourvues de haine en raison des torrents de larmes et de sang qui ont coulé dans notre pays. D'ailleurs, les révolutions sont souvent néfastes, car ce qui est gagné par la force aura tendance à être conservé par le même moyen, c'est-à-dire des tyrans remplaçant d'autres tyrans. Les rares exceptions à la règle proviennent des grands hommes, tels que Ben M'hidi qui a déclaré en 1956: «J'aimerai mourir avant l'indépendance pour ne pas assister à vos féroces luttes pour le pouvoir»; Mandela, le leader incontesté de la lutte contre l'Apartheid, qui s'est contenté d'un mandat présidentiel de cinq ans; Lula du Brésil qui vient d'abandonner le pouvoir en refusant de «bricoler» la Constitution comme le lui demandait l'écrasante majorité de la population. Quant aux autres autocrates, ils restent encore fidèles aux bonnes lois de la jungle: le «chef» n'abandonne le pouvoir que mort ou chassé par plus fort que soi. Pour preuve, il suffit de regarder la situation de notre continent, un demi-siècle après les «indépendances»: les dictateurs qui s'emparent du pouvoir ne le lâchent plus; non contents de régner à vie, ils ont trouvé un nouveau subterfuge afin de se perpétuer en se faisant remplacer par leurs rejetons ou leurs fratries. C'est pour cela que, de nos jours, le meilleur combat est celui de l'évolution des mentalités: travailler à détruire les comportements primitifs et néfastes, mais en préservant la dignité des personnes. Les polémiques entre les Algériens doivent être beaucoup plus paisibles que celles qui nous ont opposés aux Egyptiens (des étrangers), car nous sommes tous des membres d'une même famille habitant dans une maison qui s'appelle «Algérie». (*) Retraité