Omniprésent durant la campagne avec son style chaleureux et accessible, Lula a joué un rôle essentiel dans la victoire de l'ex-guérillera de 62 ans, qui s'est imposée avec environ 56%. Le président sortant du Brésil Luiz Inacio Lula da Silva a réussi son ultime pari dimanche: utiliser sa popularité record après huit ans à la tête du pays pour faire élire sa dauphine méconnue et peu charismatique, Dilma Rousseff. Omniprésent durant la campagne avec son style chaleureux et accessible, Lula a joué un rôle essentiel dans la victoire de l'ex-guérillera de 62 ans, qui s'est imposée avec environ 56% des voix contre seulement 44% pour son rival social-démocrate, José Serra. «Je remercie très spécialement et avec beaucoup d'émotion le président Lula. Je le remercie de m'avoir fait l'honneur de me soutenir», a d'ailleurs déclaré Dilma Rousseff dimanche soir, en promettant d'être «à la hauteur de son héritage et d'approfondir son oeuvre». Mais «le charisme ne se transmet pas» et pour atteindre ces objectifs, la présidente élue devra apprendre elle aussi à séduire et négocier, estime Rosemary Segurado, chercheur à l'université catholique de Sao Paulo (PUC-SP). «Il (Lula) a été utile en termes de visibilité (pendant la campagne) mais elle va devoir construire ses propres outils», ajoute cette spécialiste de l'image politique. Autant le parcours de l'ancienne guérillera torturée sous la dictature (1964-1985) et de l'ex-syndicaliste taxé de radicalisme avant d'être applaudi par les marchés se ressemblent, autant leurs personnalités divergent. Dilma Rousseff a été surnommée la «dame de fer» pour son tempérament bien trempé et sa grande capacité de travail, alors que Lula, ancien ouvrier du «nordeste» pauvre du Brésil, a su conquérir les foules avec son style empreint de simplicité et de bagout. «Moi, à qui l'on a si souvent reproché de ne pas avoir de diplôme supérieur, j'ai gagné mon premier diplôme, celui de président de la République de mon pays», avait-il ainsi lancé le jour de son investiture le 1er janvier 2003. Près de huit ans plus tard, il va achever sa présidence à 65 ans avec un taux de popularité de plus de 80%, en étant salué pour avoir sorti 29 millions de Brésiliens de la misère et avoir renforcé l'image internationale du pays avec une diplomatie active. Une grande partie de ses succès nationaux et internationaux est due à sa capacité à «traiter d'égal à égal avec son interlocuteur», que ce soit le président d'une grande puissance ou un voisin de quartier, un «don difficile» à obtenir, estime Rosemary Segurado. Lula est ainsi aussi bien capable de faire des blagues sur le football et les femmes avec le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi, que d'embrasser chaleureusement les dirigeants du syndicat des métallurgistes lors d'une visite près de Sao Paulo. «Il se souvient toujours de nous», a lancé ce jour-là un sympathisant, en attendant la venue du chef de l'Etat. Le quotidien O Globo souligne aussi la capacité de Lula à sans cesse se réinventer. «L'immigré du nordeste s'est transformé en ouvrier, est devenu syndicaliste, s'est converti en dirigeant politique avant de devenir président de la République au terme d'une métamorphose permanente», estime le quotidien O Globo, en se demandant quel sera son prochain personnage. Même si Lula a écarté toute participation au gouvernement de Dilma, celle-ci a bien l'intention de continuer à s'appuyer sur lui. «Je frapperai beaucoup à sa porte. Je sais que je la trouverai toujours ouverte», a-t-elle déclaré.