Les huit non-jeûneurs d'Ighzer Amokrane, poursuivis pour atteinte à l'un des préceptes de l'Islam, à savoir «non-observance du jeûne», en vertu de l'article 144 bis 2 du Code pénal, ont été tous relaxés, hier, par le juge du tribunal correctionnel d'Akbou à l'issue d'un procès qui s'est ouvert hier matin, en présence d'une foule nombreuse venue en soutien aux prévenus. Devant la barre, les accusés ont reconnu avoir rompu le jeûne précisant toutefois «la discrétion de leur acte». Répondant aux questions du juge, ils ont soutenu qu'ils «ne sont pas contre l'Islam», mettant en exergue la foi de leurs parents en cette religion. La défense forte de dix avocats, venus d'Alger et de Tizi Ouzou en soutien à leurs confrères mandatés à Bejaïa, a demandé un non-lieu. S'appuyant sur la Constitution algérienne, qui garantit la liberté de culte, les avocats de la défense ont estimé que l'article 144 bis 2 du Code pénal est en contradiction avec la première loi de la République. De plus, l'intervention de la police lors de l'arrestation a été qualifiée de «dérive policière» pour n'avoir pas en sa possession un mandat de perquisition, document obligatoire lorsqu'il s'agit d'un contrôle dans un lieu privé. Après un quart d'heure de délibération, le juge rend son verdict. Les accusés sont tous acquittés. Il est utile de rappeler que les huit prévenus ont été interpellés le 29 août dernier dans un local fermé lors d'une intervention policière suite à une dénonciation. Les policiers ont surpris les huit citoyens en pleine restauration. Entendus par la police, sept d'entre eux ont été relâchés. Seul le propriétaire du local a été présenté devant le parquet qui l'avait placé en détention préventive. Après avoir passé 8 jours en détention préventive, le propriétaire du lieu comparaîtra le 6 septembre dernier dans une première audience à l'issue de laquelle il retrouvera la liberté provisoire. A l'issue de la même audience, le juge avait, par ailleurs, prononcé le renvoi du procès pour hier. Même si le verdict était quelque peu attendu, eu égard aux sentences qu'ont connues d'autres cas similaires, notamment à Tizi Ouzou, cela n'a pas empêché une large mobilisation des militants des droits de l'homme et des libertés en général. En effet, ils étaient, hier, fort nombreux à soutenir les prévenus. Comme lors de la première audience, la solidarité était de mise. Il fallait s'y attendre au regard des appels au soutien qui se sont multipliés ces derniers jours. Les étudiants de l'université de Bejaïa, les partisans du MAK, les militants de la Laddh, le collectif Forum Kabylie et d'autres militants de la société civile ont marqué leur présence massivement. Le collectif Forum Kabylie s'est prononcé sur cette affaire dans une déclaration dans laquelle il estime que «les procès en cascade intentés à l'encontre des non-jeûneurs ou encore la récente propagande distillée autour d'une soi-disant campagne d'évangélisation de la Kabylie sont autant d'indices de la gravité des atteintes aux droits de l'Homme et du non-respect des libertés individuelles dans le pays (...)». La Laddh, par la voix du président de son bureau à Bejaïa, Saïd Salhi, a jugé elle aussi que «l'Algérie doit se conformer à loi fondamentale dans son article 36 et au pacte international relatif aux droits politiques et civils dans son article 18, qui garantissent la liberté de conscience, de religion et de toutes les libertés individuelles». Pour cette ligue, principale initiatrice du mouvement de soutien, «l'Art 144 bis 2 du Code pénal, qui est brandi à chaque fois qu'il s'agit des libertés, doit être amendé».