A chaque veille de l'Aïd, des marchés à bestiaux sont ouverts ici et là. L'Etat a décidé de réagir, mais le prix du mouton ne cesse de grimper. Chaque année, à quelques jours de la célébration de la fête religieuse de l'Aïd El Adha, des dizaines de milliers de moutons envahissent la capitale, transformant celle-ci en un vaste marché à bestiaux, à ciel ouvert. Aux quatre coins de la ville, des points de vente improvisés font leur apparition et créent une animation très particulière. Des tentes et autres abris de fortune servent de toits aux vendeurs complétant ainsi, le nouveau décor. Pour les Algérois, du moins ceux qui fréquentent assidûment ces marchés, l'arrivée des moutons constitue une aubaine dont ils veulent profiter même s'ils savent que les prix affichés sont excessivement élevés, et qu'ils sont hors de portée pour les petites bourses. Mais pour les autres, c'est-à-dire, ceux qui militent en faveur d'une meilleure protection de l'environnement, ces marchés annuels ne sont pas les bienvenus parce qu'ils défigurent le paysage et nuisent à la réputation de la capitale devenue une sorte de ghetto où moutons et citoyens cohabitent et se disputent l'espace. Les APC sont, souvent, pointées du doigt, mais ces dernières s'en défendent jurant à qui veut bien les entendre que c'est par souci de venir en aide aux citoyens qu'elles tolèrent ces marchés sur leur territoire. Ce qu'elles ne disent pas par contre, c'est qu'elles tirent souvent profit de ces marchés juteux qui leur permettent d'équilibrer, un tant soit peu, leurs budgets. Particulièrement les APC dites pauvres qui considèrent cette activité commerciale temporaire comme une manne venue du ciel. Jugés d'utilité publique par les uns, critiqués par d'autres, ces marchés font la joie des enfants que les parents emmènent la plupart du temps, avec eux pour choisir le mouton à acheter. Peu importe le prix, l'essentiel est qu'il ait de grandes cornes et soit plus imposant que celui du voisin. Car il est souvent question de rivalité entre gosses et, les parents ont parfois du mal à suivre leurs enfants. A force d'accompagner leurs parents, certains sont devenus de véritables connaisseurs qui tâtent, auscultent, vérifient le nombre de dents et soulèvent le mouton avant de marchander car les enfants savent aussi négocier. Fait plus étrange encore, c'est cette facilité qu'ils ont à domestiquer un mouton une fois acheté. Obéissant au doigt et à l'oeil, la bête les suit partout. Comme un animal de compagnie, le mouton, même sans être attaché, suit son petit maître, y compris, dans les endroits chics où il exhibe fièrement sa silhouette. Certes, la présence d'un mouton en ces lieux fait un peu désordre, mais beaucoup ferment les yeux préférant faire contre mauvaise fortune, bon coeur. Fête de l'Aïd oblige, même lorsqu'il bêle continuellement la nuit on le tolère. Dans certains quartiers on en a fait un redoutable compétiteur, qui participe régulièrement à des tournois, qui a une fiche et une cote. Comme un cheval de course, on le nettoie, on le prépare, on mise sur lui et on lui remet, à l'issue de chaque combat gagné, une coupe. Seules les matières fécales qu'il rejette et qu'il laisse sur son passage, à l'instar du Petit Poucet, dérangent et provoquent la colère des défenseurs de l'environnement qui montent, chaque fois, au créneau pour dénoncer ce qu'ils considèrent comme un délit contre nature. Mais dans ce cas, il n'est pas seul; les cabots, aussi, empestent les rues de leurs crottes jugées autrement plus nocives et pour l'homme et pour le climat. Il reste qu'une réglementation existe que les autorités compétentes ont renforcée dernièrement avec de nouvelles dispositions qui délimitent l'espace des marchés et interdisent la vente de mouton en dehors des zones autorisées. Certaines APC s'y sont déjà attelées et c'est déjà un pas. Espérons que l'année prochaine, les conditions seront meilleures car au rythme où vont actuellement les choses on ne voit pas comment la «côte» du mouton va baisser.