Un mouton à grosses cornes aurait atteint la barre des 40.000 dinars. L'approche des fêtes de l'Aïd est saisie par des maquignons et autres intermédiaires pour spéculer sur les prix des ovins et des bovins. Le citoyen est une nouvelle fois confronté à l'incivilité et est victime du profit de plus en plus grand de personnes qui, l'espace de cette fête, se reconvertissent en commerçants. Les prix excessifs affichés au marché de Bouira ont fait fuir de nombreux citoyens à la recherche d'un mouton à sacrifier le 16 novembre prochain. La désertion des lieux, avantagée par les importantes précipitations qui rendent la circulation très difficile dans cette enceinte, n'a pas toutefois dissuadé les maquignons qui tentent, comme à chaque fois, de tirer le maximum et de vampiriser l'honnête citoyen. La cherté de la vie, les occasions en cascade où la bourse est mise à rude épreuve ont amené bon nombre de citoyens à recourir à l'achat par facilités auprès de connaissances. Même un syndicat de l'éducation s'est mêlé de l'affaire puisque le Snte propose à ses adhérents des moutons payables sur un semestre. Sans se soucier de l'avis théologique sur l'opération, certains ont bien accueilli cette initiative. «Le mouton est pour les enfants, la souna et l'avis religieux ne m'intéressent pas», estime un enseignant. Toujours à la recherche de la meilleure formule, des citoyens de nombreux quartiers ont opté pour un bovin et un sacrifice collectif. Cette façon de faire qui est une tradition kabyle «Thimachret» semble être une parade en la circonstance. Lors d'une tournée au marché de Bouira, notre attention a été attirée par la présence de véhicules immatriculés à Alger. «La présence de revendeurs venus d'Alger et de ses environs a fait flamber les prix. Ils sont preneurs parce qu'ils connaissent la clientèle de la capitale et ses exigences», nous confiera un père accompagné de son fils. Un mouton à grosses cornes aurait atteint la barre des 40.000 DA. Même si certains vendeurs proposent des petits ovins, les prix exigés restent inabordables. «Un mouton de moins de 25 kilos coûte en moyenne entre 20.000 et 25.000 DA, ce qui équivaut à presque 1000 DA le kilo», déduira un client revenu bredouille. Même si le choix est varié, il est difficile de trouver un produit égal à la somme déboursée. Du côté des vendeurs, les plaintes sont nombreuses. Selon un éleveur, métier hérité de ses parents, la cause de la flambée des prix est en partie due à l'intrusion de commerçants circonstanciels. Les hausses qui ont concerné la totalité des produits ont touché aussi l'aliment, le foin, l'orge... Devant cette situation, nombreux sont ceux qui préfèrent attendre une accalmie parce que, selon un connaisseur, la meilleure période sera celle de la dernière semaine. Les sans-scrupules, qui se retrouveront avec leur marchandise invendue, seront amenés à revoir à la baisse la marge bénéficiaire pour pouvoir se débarrasser de ce qui deviendra un fardeau. En souhaitant que cette analyse soit juste, le citoyen continuera à être une proie entre les mains de ces escrocs. A voir le nombre de plus en plus grandissant de mendiants qui sillonnent les villes, la misère qui gagne chaque jour de l'espace, la clochardisation de la société, la course au gain...on se demande pourquoi perpétuer une tradition qui se voulait une occasion religieuse pour la fraternité, la joie. L'«Aïd el Kébir» que nos ancêtres considéraient comme la fête des enfants, n'est plus qu'une occasion pour saigner les bourses et accentuer la pauvreté.