La levée du corps de Keltoum a eu lieu, hier, au Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi, sa seconde demeure symbolique. Beaucoup de visages du 7e art à la mine défaite sont venus l'accompagner à sa dernière demeure. On remarquera la ministre de la Culture, Khalida Toumi, venue avec son chef de cabinet, Zhira Yahi mais aussi le réalisateur de L'Opium et le bâton Ahmed Rachedi, les comédiennes Bahia Rachedi, Farida Saboundji, la metteur en scène Fouzia Aït El Hadj et plein d'autres figures du 7e art. Khalida Toumi «C'était une héroïne!» Keltoum est un monument pour la femme algérienne et arabe. Pourquoi? Parce que, avant elle, les personnages féminins au théâtre étaient exécutés par des hommes qui se déguisaient en femmes. La première qui va briser un tabou mais de façon incroyable, c'est Keltoum.Cela se passe au début du XXe siècle, avec Bachtarzi. Elle va briser deux tabous. Les gens ne le savent pas. Elle les brise d'une façon tellement positive. Moi, je l'appelle la clé. Premièrement, elle ouvre les planches aux femmes. Deuxièmement, ce que les gens ne savent pas, est que Keltoum était danseuse de chorégraphie. Elle a ouvert aussi les portes du ballet aux femmes. En tant que femmes algériennes et maghrébines, nous lui devons énormément. Evidemment, c'est la doyenne mais pas au sens masculin du terme. C'est une héroïne, dans le sens d'une problématique de combat, au sens plein du terme. Ce n'est pas une simple doyenne au sens de l'âge. C'était une immense comédienne. Elle a été aussi une immense actrice. Qui peut oublier l'image de Keltoum jouant la mère de ce militant arrêté par les Français. Elle ne parle presque pas dans le film. Tout le film c'est elle!. Quand on sort de la salle obscure tout le monde sait qu'elle, c'est l'Algérie. Elle l'a cristallisée comme personne n'a pu le faire. C'est vraiment une battante. On la perd, nous sommes tristes mais pardonnez de le dire, nous sommes aussi heureux car elle est partie exactement comme elle l'a souhaité. Elle a voulu que son corps soit mis sur les planches. Merci pour toutes les personnes qui l'ont accompagnée jusqu'au bout et je voudrais citer deux noms en particulier, Madame Zhira Yahi et Najet Taïbouni. Je voudrais aussi à travers vous remercier tous les hôpitaux qui n'ont jamais dit non y compris les cliniques privées et la corporation des médecins et des infirmiers. Je finirai juste en disant que Dieu aimait beaucoup Keltoum et Abderrahmane El Djilali. Il les a pris le même jour, dans une symbolique du peuple algérien, très chargée positivement, un vendredi, quelques jours avant l'Aïd. Il les a pris en même temps, de façon à aller rejoindre, la main dans la main, la communauté des grands. Abderrahmane El Djillali a été souffleur avec les comédiens. Il a beaucoup travaillé avec Bachtarzi, dans sa jeunesse. Peut- être que c'est un signal de Dieu. Ahmed Rachedi «Les artistes ne meurent pas» Pour moi, Keltoum n'est pas morte. Les artistes ne meurent pas. Ils s'absentent pour mieux revenir. Le rideau est tombé sur la vie de Keltoum. Mais ses oeuvres restent et la perpétueront à travers les générations. Ils n'en reste pas moins que le cinéma et le théâtre algérien perdent un monument. Après Larbi Zekkal, que Dieu ait son âme, maintenant Keltoum. On avait un projet de faire un film ensemble. Elle devait jouer le rôle de la mère dans le film sur Krim Belkacem. Elle était très malade. Elle m'appelait souvent pour me dire: «Je vais mieux, je vais être sur pied, je vais pouvoir jouer ce rôle.» C'est ce qui nous fait dire qu'elle n'est pas morte.